Algérie

Voleurs et affameurs



Voleurs et affameurs
Dans quel monde nous vivons ! Une majorité d'êtres humains ont faim à longueur de vie quand les 20% les plus riches de la population mondiale consomment 90% des biens produits et les plus pauvres 1%... Trois milliards de personnes vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 2 dollars par jour, tandis que «les 20 individus les plus riches du monde ont des ressources égales à celles du milliard de personnes les plus pauvres». On trouve bien d'autres informations stupéfiantes et révoltantes dans l'ouvrage publié par le sociologue britannique Zygmunt Bauman(1).Les inégalités, souligne-t-il, ne cessent de croître, les pauvres d'aujourd'hui seront plus pauvres demain, les riches plus riches et si les entreprises qui font faillite jettent sur le trottoir des milliers de travailleurs dépourvus de toute ressource, leurs PDG, mis d'office à la retraite, reçoivent des indemnités de plusieurs millions : congédié, un président de Walt Disney a reçu 140 millions de dollars. Surexploités, la plupart des travailleurs, comme anesthésiés, ne bougent pas. Ou à peine et s'ils font grève, finissent par reprendre le travail. Comme l'explique Z. Bauman, les chiffres les plus scandaleux sont beaucoup trop élevés pour qu'ouvriers et employés réagissent.Beaucoup ne les connaissent pas et ceux qui les découvrent ne peuvent pas se les représenter : pour qui gagne 700 euros par mois, 100 millions, cela n'a aucun sens : c'est trop, c'est hors de toute saisie mentale, ce n'est pas concevable. On sait que ceux qui gagnent une somme énorme à la loterie «ne réalisent pas», paniquent et se hâtent de confier la gestion de cet argent à un financier. L'incapacité de saisir réellement ce que signifient les milliards des plus riches se trouve confortée par d'autres facteurs, idéologiques ou psychologiques. Clichés et préjugés largement répandus, et d'une façon qui n'a rien d'innocent, par l'école et le milieu social, ont pour finalité de bloquer toute contestation des injustices. Ou, mieux, de la rendre impossible, impensable.Telle cette croyance qu'il y a par nature des êtres particulièrement doués quand d'autres sont ainsi faits qu'ils ne peuvent que végéter et rester en bas de l'échelle sociale. L'idée que chacun d'entre nous est ce qu'il est par nature a pour fonction de masquer le scandale d'une organisation sociale qui privilégie les riches. Si les citoyens sont convaincus que ceux qui ont la «bosse» des maths ou des langues le doivent à l'excellence de leurs gènes ou à la finesse de leurs neurones et que ceux qui échouent sont les victimes d'un cerveau mal équipé ou d'un organisme défaillant, pourquoi se révolteraient-ils ' Comme le rappelle Z. Bauman, «la croyance dans l'inégalité naturelle des capacités, des aptitudes et des talents individuels est restée l'un des facteurs les plus puissants qui ont contribué à l'acceptation docile de fortes inégalités sociales».D'autres facteurs confortent la résignation des peuples. Pour certains, tout est «écrit» et l'on doit se soumettre au «destin» que nous impose une puissance supérieure, que ce soit le «fatum» des anciens, la «fatalité» de ceux qui s'imaginent modernes, la volonté d'un Dieu dont certains s'imaginent être les porte-parole qualifiés. Pour d'autres, l'échec des révolutions qui promettaient le paradis sur terre et n'ont donné au mieux qu'un purgatoire, rend vaine toute tentative de transformer la société. Les apôtres de l'acceptation du monde tel qu'il est sont légion et, dans l'immédiat, leurs prêches sont efficaces.Déclin du prolétariat, appauvrissement des classes moyennes : les appels à des lendemains qui chantent ne soulèvent plus les foules et cette absence d'espoir, qui les condamne à un présent sinistre et mortifère, génère le plus souvent des conduites de fuite ou de compensation imaginaire. Travail au noir, corruption gagnent de larges couches de la population ; les jeux d'argent donnent chaque semaine de vains espoirs à ceux qu'en fait ils appauvrissent ; d'autres trichent, chapardent ou volent, sans parler de la multiplication des bandes de gangsters professionnels. Beaucoup cherchent l'oubli dans l'alcoolisme et la consommation de drogues, tandis que les plus atteints se suicident. Bénéfique pour une minorité de millionnaires, le néo-libéralisme condamne à une mort lente ou brutale les millions d'êtres humains qu'il affame et désespère. (1) Les Riches font-ils le bonheur de tous ' (Ed. Armand Colin, 2014)




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