Algérie

Vol au-dessus d'un nid



Il reste poursuivi pour son joli ramage et son beau plumage, on le voit plus sur la cime des arbres, les braconniers sont passés par là pour détruire ce précieux phœnix des bois. Dans les anciennes demeures algéroises, le chardonneret faisait figure de compagnon pour parer à la solitude d’un être parti très loin. On lui doit la réputation d’une mythique vision paradisiaque. Il est né chez nous, tout le boisage de l’Atlas blidéen n’est plus que souvenir de ses magnifiques envolées lyriques dont il a le secret. Aujourd’hui, dans son triste réduit, il attend sa fin venir sous le coup de boutoir des chasseurs. Il atterrit dans les souks prisonniers dans des cages crasseuses. Ses bourreaux lui font passer les mille et une misères pour lui arracher une mélodie. Des opérations les plus vicieuses sont employées, en lui piquant les yeux pour stimuler sa douleur et en faire un son mélodieux. Dans ce monde sans pitié contre le chardonneret, il y a le filon à ramasser. Un jeune chardonneret se vend à plus de 50.000 dinars. Des équipées sauvages sont lancées contre les nids d’oiseaux. Armés de torches et de filets, les braconniers prennent d’assaut les nids pour s’emparer des oisillons. Un véritable «nettoyage zoologique» ; ils ne se privent pas de mettre toute la faune à sac. Leur source de revenu se base désormais sur la destruction de ce patrimoine culturel. Il manque tant à notre paysage, le pays reste suspendu à ce frivole volatile qui a tant donné aux poètes, aux musiciens en quête de leur muse. Il s’installe dans l’histoire du pays, grâce à sa valeur culturelle… Le monde de la chanson lui doit les merveilleuses complaintes calquées sur le son mélodieux de son ramage. Les profanes de ce beau spécimen s’en tiennent à lui tordre le cou par réflexe œdipien. Ils auront tout à méditer sur ce méfait macabre. L’esprit du chardonneret revient cette semaine pour nous annoncer que la fête de l’Aïd se déroule dans la joie, avec une pensée au Meknine qui continue encore à souffrir des affres de la bêtise humaine. Demain est un autre jour. Après un long exil, le chardonneret se remet sur branches pour nous entraîner dans ses interminables mélodies.


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