Algérie

Voir clair pour se définir



Bien que les idées que nous avions puissent ne pas briller par leur clarté, nous pouvions tout de même distinguer plusieurs courants.
-1) Les plus radicaux prônaient une autonomie très proche de l'indépendance du mouvement syndical à  l'égard du pouvoir qui s'installait. Les plus nombreux étaient issus de l'ex-PPA/MTLD. Ils avaient souvenance des contraintes endurées par la CGT du fait du PCA et ne voulaient pas voir se renouveler une pareille situation.
-2) Les partisans du légalisme, et comme le dit un proverbe arabe «celui qui épousera notre mère sera notre père». Ceux-là préféraient rallier carrément les détenteurs du pouvoir présent et leur faire confiance par habitude, par discipline, par calcul ou simplement par crainte des conséquences que génère une opposition. D'autres estimaient que la lutte contre les Français suffisait ; plus question, maintenant que nous sommes indépendants, de dire non. Il était temps de changer la négation par l'approbation. Ceux-là feront une longue carrière dans leur nouvelle «profession» et, à  force d'adaptation, de concession et d'abdication, ils se feront une place proche du roi soleil, peu importe lequel d'ailleurs.
-3) D'autres enfin, frottés à  la doctrine marxiste, imprégnés des grands principes généreux du socialisme, penchaient vers la transformation du mouvement syndical en parti politique révolutionnaire. Parmi eux des camarades formés à  l'école des syndicats français brillaient par la clarté et la qualité de leurs interventions. Ils donnaient à  nos confrontations des bases de discussion plus riches, plus sérieuses, plus scientifiques, mais malheureusement éloignées, trop éloignées des réalités du moment et des possibilités qu'offrait l'Algérie en 1962.
-4) II y a également, ne l'oublions pas, les ex-militants de la CGT écartés de toute responsabilité depuis 1956. Maniant l'encensoir à  l'égard du pouvoir naissant, ils choisirent de le soutenir à  outrance, allant au devant des désirs de ce dernier et y jouant à  la mouche du coche. Il leur fallait parvenir dans les meilleurs délais à  couvrir d'une chape opaque le rôle qu'ils jouèrent, ou ne jouèrent pas, pendant la guerre de Libération.
-5) Nous citerons le rôle tenu par les étrangers dans cette période où l'Algérie, et particulièrement Alger, bouillonnait littéralement. Des hommes, des femmes, jeunes le plus souvent, des universitaires tournaient autour de tous ceux qui pouvaient intervenir dans le choix et l'application des options de l'Algérie nouvelle. Des militants sincères, imprégnés de justice sociale, de générosité, d'idéalisme, venus pour la plupart de France pour voir appliquer ou aider à  réaliser leur rêve de jeunesse. Ils croyaient sincèrement à  la lutte contre le sous-développement que nous voulions engager. Après leur participation à  la lutte de Libération, ils souhaitaient apporter une pierre à  la construction de l'Algérie, conforme dans ses grandes lignes à  l'eldorado qu'ils avaient édifié dans leur imagination ou façonné durant leurs études supérieures. Secoués, quelquefois durement, par les réalités du moment, ils renoncèrent les uns après les autres à  la poursuite d'une action qui ne les menait nulle part, ou tout au moins qui les menait là où ils ne voulaient pas aller.
-6) A côté de ces militants sincères, nous avons également hérité d'une faune, le plus souvent manipulée par les divers services spéciaux du monde occidental, venue en Algérie, terre promise aux expériences, mettre en application des théories rejetées par ceux à  qui on voulait les «offrir». L'un d'entre eux, Duvivier, ex-conseiller de Patrice Lumumba, juriste, aboutit on ne sait comment dans l'entourage de la Centrale. Nous pouvions àªtre une proie facile car la gravité de l'heure, la complexité des problèmes et leur nombre incalculable nous incitaient à  recruter des éléments capables de nous aider. Les problèmes ' Il y avait avant tout l'organisation à  mettre en place le plus vite, le plus solidement possible. Créer pour cela des fédérations, mettre en place des directions représentatives et préoccupées en premier lieu de l'aspect structure.

(Extrait d'un article paru dans NAQD n°4, janvier-mars 1993)


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