Algérie

Vivre de charité



Vivre de charité
Sur un terre-plein entre l'autoroute, en bordure d'un tronçon coincé entre une route menant vers El-Hamiz et la rue Abdouni dans la commune de Dar El Beïda, un campement de ressortissants nigériens est érigé depuis plus de quatre mois. Hommes, femmes et enfants y vivent dans des conditions déplorables. Environ une vingtaine de tentes ont été dressées mais qui restent insuffisantes. Comment vivent-ils ' Ne parlant ni arabe ni français, c'est la petite Maka, âgée de neuf ans, qui à l'aide du langage universel des signes, a pu faire connaître l'histoire des siens. Sa maman Djamia est venue du Niger avec ses six enfants dont un bébé âgé de quelques mois. Ce dernier est nourri au biberon qu'une âme charitable lui a offert. Le lait en poudre est acheté à la pharmacie du coin grâce aux pièces récoltées par les enfants qui font la manche le long de l'autoroute au péril de leur vie. D'ailleurs, un enfant a été percuté par une voiture il y a quelques jours en essayant de traverser l'autoroute, a-t-on souligné. On voit les ribambelles de gamins qui bravent la chaleur ardente dans les ruelles, le tramway et les marchés de fruits et légumes. Ils tendent la main pour une pièce. Nombreux sont les citoyens qui dans un élan de générosité n'hésitent pas à mettre la main à la poche. Dans ce campement de fortune, des hommes sont assis ou allongés, laissant le temps s'écouler. L'un d'eux Bouzouzou, âgé de 30 ans, célibataire, est assis à l'entrée du camp. Dès que le camion de Netcom est arrivé, il a tout de suite ramassé les sacs-poubelles qu'il a mis soigneusement dans la benne-tasseuse. Une fois le camion éloigné, il a ramassé toutes les bouteilles d'eau vides qu'ils rangent dans un grand sac. Il s'éloigne et les dépose devant un tronc d'arbre. Il effectue cette tâche depuis qu'il a rejoint le camp, il y a deux mois. Bouzouzou et Tallela, son ami, ne veulent pas parler par pudeur ou par peur peut-être. Ils se sont contentés de hocher la tête devant notre insistance.Charité et mendicitéLa propreté ne semble pas « habiter » le lieu de leur refuge. Mouches et moustiques sont partout. Les matelas, les draps et les couvertures sont accrochés aux branches des arbres. Elles semblent avoir perdu depuis longtemps leurs couleurs initiales. Le pain, offert par un restaurateur, est entassé dans des sachets en plastique tandis que plusieurs plateaux d''ufs sont rangés au pied d'un arbuste. Un feu de bois est éteint et les campings sont alignés. Les toilettes de fortune ne sont autres que des couvertures accrochées en forme de carré à quatre troncs d'arbres, alors que les douches sont inexistantes. ,Cette situation ne gêne nullement Djamia et ses six enfants et Djaher 55 ans et ses dix enfants. Toutes les deux, assises en tailleur sur un tapis en plastique, regardent les voitures passer. A part Maka, âgée de 9 ans, qui s'occupe du bébé, les autres sont partis mendier. Le soir, ils reviennent avec une petite « fortune » oscillant entre 1.000 et 1.500 dinars. De quoi acheter du lait, de l'eau et autres victuailles dont elles ont besoin. Qu'est-ce qui a poussé ces familles entières à s'exiler et accepter de vivre dans un tel dénuement ' Toujours dans le langage des signes, Djamia et Djaher ont expliqué que « la famine, l'insécurité, les guerres tribales et le chômage ont poussé des milliers de Nigériens à s'expatrier ». Et la saison hivernale qui s'approche ' Le plastique fera l'affaire en montrant un morceau de toile cirée. Et la scolarité des enfants ' Djamia et Djaher ont haussé les épaules. Mais la solidarité des citoyens de Dar El-Beïda est agissante. Hamida vient tous les jours rendre visite à ces Nigériennes. Elle s'occupe spécialement de Maka. Cette dernière veut apprendre à lire et à écrire. Hamida ramène toujours avec elle un cahier, un stylo et un livre. Mais Maka est avec le bébé qui ne cesse de crier et réclamer son biberon. Nullement découragée, Hamida a promis de revenir l'après-midi pour quelques minutes pour apprendre à Maka l'alphabet, juste pour l'initier en perspective d'une éventuelle scolarisation.« La famine nous guette »Fuyant la misère, la précarité, la guerre, les familles nigériennes rencontrées à Dar El Beïda, bien que discrètes, acceptent cette situation. « Allah est avec nous », confie Mohamed Smaila, 24 ans, marié , père de deux enfants. Il est arrivé dans ce camp depuis huit mois. Son épouse est descendue sur Alger avec un bébé accroché au dos pour mendier. « Ici, on mange, on ne risque pas de mourir de faim », a-t-il souligné. Et d'ajouter : « Là-bas, la famine nous guette. » « Cette situation, on ne l'a pas choisie », a-t-il expliqué dans une langue à peine compréhensible. A l'image de Djamia et Djaher, Mohamed Smaila semble accepter cette vie. S'attend-il à des jours meilleurs ' « Peut être, si le gouvernement nigérien cherche à améliorer la situation éducative, sanitaire et socioprofessionnelle de ses citoyens », dit-il. Pour lui et les autres, le rêve est permis tant qu'ils mangent et dorment en sécurité.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)