Algérie

Vivra bien qui lira plus



Vivra bien qui lira plus Des livres, il y avait de tout, à foison, nous dit-on là; trop de moujalladât religieux, nous dit-on ici! le onzième SILA libère les étals. Comme un songe d’El Jahiz qui s’éteint, les li vres qui étaient là ont soustrait leurs signes écrits aux regards; ils sont désormais masses inexpressives qui se comptent de nouveau en nombre. Des dizaines de milliers présentés par 688 éditeurs venus de 23 pays. Quantitativement, on se rapprocherait de la foire du Caire -la plus grande au monde étant celle de Frankfurt (avec la participation de plus d’une centaine de pays), dans une Allemagne qui compte pas moins de trois mille quatre cents maisons d’édition qui ont publié, en 2004 par exemple, 90.000 titres. Un livre pour savoir et pour rêver, il n’y a pas mieux: ça se transporte, ça se porte, ça se range, c’est autonome, c’est silencieux; on peut y avancer ou revenir en arrière à volonté; beaucoup de choses à apprendre, à sentir, à imaginer à travers des signes qui nous attendent autant que nous voudrions. Nous l’aurons compris avec ceux qui investissent dans l’édition, pour toutes ces qualités et d’autres, pratiques, le livre reste indétrônable malgré l’émergence de nouvelles technologies susceptibles de transmettre du savoir. Une parole écrite c’est important, c’est politique. Chez nous, la liberté en la matière ne semble pas sur le point d’être arrachée définitivement; ça se donne et ça se reprend, avance et recule selon les mécanismes politiquement anti-sismiques dont est pourvu un régime qu’on avait cru, à quelque moment d’oscillation, moribond; Aussi avions-nous pensé que la situation éditoriale allait connaître les mêmes revirements que la situation politique, partisane en particulier. Mais la Sned (puis Enal), autrefois maison d’édition unique, qui s’était progressivement éteinte au moment où naissaient d’autres, privées, dont certaines ont déjà disparus, n’avait pas ni le fondement mythique ni l’enjeu dans le champ éditorial que celui qu’avait en politique le FLN pour opérer une résurrection. Aujourd’hui les maisons d’édition privées sont nombreuses, et espérons qu’au final elles nous ne décevront pas à l’instar des partis politiques nés après 1989 qui se sont retirés comme une clameur qu’on avait un temps crue être un projet qu’on clamait haut. Bref, elles sont combien aujourd’hui? Une quarantaine nous dit-on «où l’on met au monde le livre, comme dans une clinique de maternité, on met au monde un bébé», selon l’image du regretté Tami Medjbeur. Casbah, Barzakh, Dar El Gharb, Chiheb, Editions du Tell étant les plus en vue. Toutefois, rares sont celles qui arrivent à publier un nombre appréciable d’ouvrages avec une fréquence régulière; celles-là ne comptent pas seulement sur les ventes ou les soutiens pour financer la fabrication de leurs livres. De fait, il est difficile d’avoir une estimation en nombre des parutions annuelles et encore moins mensuelles. Quelques dizaines par mois pour l’ensemble? Dans une seule maison d’édition, la fabrication et la vente peuvent être prises en charge, selon le cas, par l’éditeur ou par l’auteur, dans un flou presque total; c’est dire que les maisons d’édition ne possèdent pas toutes des règles définies, transparentes, en matière de contrat avec l’auteur. Le champ de distribution aussi varie d’un éditeur à l’autre, et ce n’est pas toujours fonction de la taille de l’entreprise. Certes aujourd’hui le libraire est libre de choisir le livre à mettre sur ses étagères mais il faut dire que certains éditeurs ne font pas assez d’effort de diffusion, comptant parfois sur les seules ventes dédicaces ou les acquisitions des bibliothèques ou institutions culturelles, sanctionnant de la sorte l’œuvre à la source. Le monde du livre connaît chez nous de nombreux problèmes encore, en amont et aval. Des organisations comme le Syndicat National des Editeurs Libres, le Syndicat des Professionnels du Livre, l’Association des Libraires d’Algérie et l’Union des Editeurs Algériens constituent une représentation à la fois syndicale et professionnelle de tout ce qui a trait au livre. Elles peuvent être des interlocuteurs et des leviers importants quand il s’agit de la promotion et de l’organisation de l’édition en Algérie. Heureusement, car l’édition a longtemps souffert des retours d’écho creux à ses appels de détresse. Aujourd’hui les pouvoirs publics, le ministère de la culture notamment, ne semblent pas faire la sourde oreille; mais devant certains problèmes c’est souvent l’évocation du problème des moyens ou de la rentabilité qui obstrue la vision vers l’avenir. Si on se réclame de ne pas vouloir contrôler le goût ou orienter la conscience, il faut alors permettre une diversité d’expressions et de paroles, ce qui dans le domaine du livre passe par la liberté et l’encouragement matériel de l’édition ainsi par le soutien du prix d’achat du livre. Ne le cachons pas, si l’état de l’édition est un indicateur par excellence de l’état de volonté des citoyens à s’émanciper et à affiner leurs facultés intellectuelles et de représentations, il est aussi un révélateur de la volonté politique de leurs gouvernants à les éclairer ou à les abrutir. Dire qu’il n’y a pas d’argent pour la culture dans un pays qui a de l’argent est politique! Et qu’on ne dise pas qu’on est empêtré dans ce dilemme: faut-il instruire un peuple et l’amener à lire avant de fabriquer ou acheter le livre ou faut-il mettre à sa disposition le livre pour l’inciter à s’instruire? Ce serait là une plaisanterie et un non-sens de mauvais goût qu’on ne trouverait dans aucun livre. Mohamed Sehaba


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