Le troisième mandat ? Plus personne n'en parle. Le Ramadhan n'est pas la seule raison de ce silence.
Avoir la léthargie qui s'est emparée du pays depuis le printemps, il est difficile d'imaginer que l'Algérie s'apprête à vivre un évènement politique majeur dans six mois, avec l'organisation des élections présidentielles. On ne décèle aucune fièvre, aucune excitation, ni aucun ingrédient électoral, même de type algérien. Il n'y a pas de général Mohamed Lamari pour assurer que l'armée s'est retirée de la vie politique et respectera le résultat du scrutin. Il n'y a même pas de lièvre fiable en mesure de donner un peu de sel à l'évènement. Dans ce contexte, il est inutile de parler de débat politique. Ce ne sont pas les quelques opinions publiées dans la presse ou les conférences organisées au siège d'associations et fondations qui tiendront lieu de débat politique national à la dimension des enjeux du moment, tant que les lieux de débat institutionnels restent hermétiquement fermés à toute contradiction. Cette discrétion concernant les présidentielles s'est imposée depuis que le FLN et son chef, Abdelaziz Belkhadem, ont reçu l'ordre de mettre un bémol à la campagne pour un troisième mandat, à la fin du premier trimestre. L'agitation à ce sujet a d'ailleurs pris fin comme elle avait commencé : de manière brutale et sans préavis. Depuis, le monologue du pouvoir, qui se parle à lui-même, ne mobilise plus personne. Plus grave encore, il ne suscite même pas la colère, mais plutôt de l'indifférence. Il ennuie. Les gens n'ont même plus envie de contester les chiffres donnés par tel ministre ou de critiquer les projets farfelus lancés par tel autre. Les Algériens semblent simplement ennuyés d'être obligés d'écouter ces longs discours auxquels ils ne croient pas et ces responsables largement décrédibilisés. Qui peut encore croire que 450.000 logements seront livrés l'année prochaine ? Pourtant, le ministre de l'Habitat continue de répéter à tout bout de champ qu'il les réalisera, alors que rien ne l'oblige à des déclarations défiant le bon sens. Plus personne non plus n'accorde d'importance aux propos du chef du FLN Abdelaziz Belkhadem, suppliant le président Abdelaziz Bouteflika d'accepter un troisième mandat. M. Belkhadem a tellement avancé d'échéances précises pour la révision de la constitution que ses propos ne suscitent même plus la curiosité. « Encore une date ! », a commenté un ancien ministre en entendant M. Belkhadem annoncer une nouvelle échéance précise pour l'amendement de la constitution. Quant au chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, il se contente d'assurer le minimum. La révision de la constitution, nécessaire pour envisager un troisième mandat, aura lieu « en son temps », s'est-il contenté de dire. Une formule vide, qui n'engage à rien mais qui laisse toutes les hypothèses ouvertes. La position de M. Ouyahia n'est cependant pas très confortable. Comme beaucoup de hauts responsables, il est obligé de gérer un paradoxe. Il est contraint de gérer une situation dont il ne connaît pas toutes les données, tout en faisant semblant d'être au courant de tout, et même d'être partie prenante de la décision. Il ne sait si M. Bouteflika se présentera pour un troisième mandat, mais il ne peut le dire publiquement. Il est donc contraint à une prudence extrême : d'un côté, il agit comme si M. Bouteflika allait se présenter. Il doit donc faire preuve de discipline et de déférence. Mais d'un autre côté, il est obligé de se garder de toute initiative intempestive, au cas où le chef de l'Etat hésiterait à se présenter une troisième fois. Beaucoup pensent même qu'il le pousse vers la sortie, en espérant décrocher la timbale. Mais M. Ouyahia doit encore patienter, et surmonter cette épreuve que subissent tous ceux qui dépendent du pouvoir pour exister sur le plan politique. Et l'épreuve n'est pas facile. Elle consiste à prétendre défendre un projet politique, tout en étant convaincu qu'il n'y en a pas. Soutenir l'idée d'un troisième mandat est devenu très gênant pour nombre de hauts responsables. Ils savent, et admettent en privé, qu'il s'agit d'un forcing dangereux contre la constitution, pour maintenir au pouvoir un homme affaibli, ce qui risque d'aggraver la déchéance institutionnelle, alors que le pays a besoin d'un gigantesque électrochoc. C'est ce qui explique peut-être ce sentiment de gêne chez des gens qui ne savent pas quoi faire pour garder une attitude décente, mais qui aimeraient bien ne pas trop perdre à l'occasion de la prochaine présidentielle. Ils ne veulent guère évoquer la question du troisième mandat, alors qu'un ministre, par exemple, devrait être totalement impliqué dans une présidentielle qui se tient dans six mois. Le sujet est tellement gênant que certains se demandent comment ils vont traverser les six prochains mois sans trop se mouiller. Comme l'enfant naturel enfermé dans la cave, il hante tout le monde mais personne n'en parle. « Au fond, beaucoup aimeraient que le temps bascule et qu'on se retrouve tout de suite en mai 2009. Ça leur évitera bien des désagréments », déclare un connaisseur des hommes du sérail politique. « C'est peut-être le signe qu'un troisième mandat est devenu moralement difficile à soutenir », dit-il, ajoutant toutefois que « morale et politique ont rarement fait bon ménage ».
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Posté Le : 12/09/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com