Algérie

«Vive Bouteflika» plus facile que de remplacer les Chinois



On a pu croire que c'était fini, clos, irréversible, nonnégociable, impossible et impensable, mais ce n'est pas le cas. On y estrevenu, avec force, fougue : l'époque où la Télévision d'État était tout l'Étatet donnait envie soit de vomir, soit de s'enfoncer sous la terre pourdiscutailler avec ses ancêtres. Le 3ème mandat ? Il faut en parler encore. Nonpas par culture d'opposition urbaine, ni par souci de démocratie impossible, nipar anti-bouteflikisme rancunier, mais simplement, par obligation du goût sainde la vie et souci de l'avenir, celui, concret, qui se mange et se respire. Ona beau se retenir, il suffit de suivre jusqu'à l'asphyxie un seul JT, cesderniers jours, pour sentir se briser en soi les digues de la prudence et dusouci de préserver cette petite tribune et le journal qui va avec. Ainsi, on yest arrivé tout doucement : de l'époque où seul Belkhadem demandait àBouteflika de briguer une présidence à vie, puis à l'époque où on le réclamaitun peu partout en demandant que le peuple vote une nouvelle Constitution, et,enfin, à l'époque où on explique qu'on n'a même pas besoin du peuple pour lefaire, puisqu'on peut le faire par le biais du vote des deux Chambres désignéesdans le tas des meubles de la République. Entre temps, la terrible ingéniositéde l'appareil face à l'individu est là : tout le monde est d'accord et clameson soutien au 3ème mandat, mais tout le monde essaye de trouver quelque choseà dire en creusant dans les nuances. Comme des mariées de force qui trouvent às'affirmer dans le choix capricieux des peignes et des fonds de teint. Que l'onen juge : un parti a expliqué, durant la semaine, qu'il est pour la révision dela Constitution, mais qu'il faut écouter le peuple (en ne le prenant pas ausérieux s'il n'est pas d'accord) et admettre le débat (sur quoi ?). Un autreparti a dit qu'il est « pour » le 3ème mandat puisqu'il est pour Bouteflikadepuis 9 ans déjà et qu'il ne fait que faire ce qu'il a déjà fait (à reliretrois fois). Un troisième parti a expliqué qu'il n'est pas contre, maisseulement en ce qui concerne la manière et les préliminaires et la dot. Unquatrième n'a rien de plus mais a dit l'essentiel : il est pour et contre tousceux qui sont contre. Ainsi, le nouveau pays se dessine et dessine sesprochaines violences : il suffit d'un bâton pour s'approprier un trottoir,pourquoi ne pas s'approprier l'avenir, la mémoire, la révolution et le pétroleavec sa seule langue ? On s'y réveille avec la peur au ventre, du fiel et del'amertume de voir encore une fois le pays se poser un lapin au nom delui-même. Nos fils vont-ils subir le même canular que nous et que nos aînés ?N'avons-nous de choix qu'entre ce terrible ridicule, si féroce quand il veutquelque chose de précis, et le commentaire savant sur ce coup d'État permanentqui dure depuis l'Indépendance ? Pourquoi faut-il que cela recommence sanscesse comme des cycles bouffons et meurtriers ? Pourquoi ces énormestergiversations autour d'une solution unique qui nous aurait évité de perdre dutemps et des vies ? Laquelle ? Celle qui crève les yeux : une bonne monarchiecomme l'expliquera un universitaire au chroniqueur. « Un roi une fois pourtoute ». Sans vote ni démocratie pour un peuple qui s'en passe. Un truc directeavec des Pachas à la tête des communes, des Beys au sommet des régions et unebonne police ottomane pour garder sa quiétude au peuple et sa longévité aupipe-line en guise de Makhzen. Sans partis ni opposants, sans presse privée nipoésie. Sans nuances ni hypocrisie. Quelque chose de franc, comme uncambriolage en plein jour. L'avenir et nos enfants nous jugeront ainsi en vracet pourront nous trouver l'excuse esthétique du Pavlovisme. Mais malgré cela,il restera toujours une énigme à résoudre : pourquoi sommes-nous obligésd'appeler des Chinois et des Japonais pour construire nos murs et sommes desmilliers à nous lever pour appeler au 3ème mandat ? Pourquoi sommes-nous sinombreux en politique et si rares dans les chantiers ? Où se trouvent cesmilliers de lecteurs de motions de soutiens qui peuplent le JT de l'ENTVlorsqu'il s'agit de réparer un seul égout ou refaire un seul bon trottoir ?
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)