Algérie

Vite, un vaste plan Marshall pour sauver Alger de la ruine !



Nul besoin d'études savantes pour constater la vétusté, l'affaissement et la désolation dans lesquels se trouve, de plus en plus, la capitale. Alger se craquelle et craque de partout. Elle ne s'écroule pas encore en bloc mais elle est dans un inquiétant état de décrépitude. Même les édifices publics, à l'exemple du Palais du gouvernement, subissent un visible délabrement.Alger menace ruine en maints endroits quand ailleurs, c'est effondrements et gravats. Et ça ne concerne pas la seule antédiluvienne Casbah. Asphyxiée, elle l'est par la surpopulation et un parc automobile surdimensionné. Vieillie par l'usure, l'incivisme et la négligence des Hommes, l'incurie et l'indifférence des dirigeants. Ne pas hésiter donc à le dire : l'une des plus belles capitales d'Afrique et même du monde est au bord de la dégénérescence urbaine. D'El-Harrach à Bab-el-Oued en passant par Belcourt et les quartiers de l'Agha, 1er-Mai, ce sont les mêmes images de dégradation et de dépérissement qui s'offrent au regard attristé. Des immeubles du XIXe et XXe siècle s'effritent les uns après les autres. Un nombre indéfini de bâtisses sont même à l'abandon. En d'autres endroits, des immeubles défigurés complètent le tableau de la désolation.
À Alger-Centre, qui n'est plus le centre et le c?ur battant de la ville, la situation est encore plus préoccupante. De la Grande-Poste à El-Hamma, le tissu urbain, en profond déclin, menace ruine à tout instant, à la moindre secousse tellurique ! Aucune bâtisse n'est à l'abri. Aucun immeuble ne semble solide, à l'intérieur comme à l'extérieur. Si ce n'est pas la façade, ce sont les fondations qui menacent de s'effondrer. En divers lieux, des barricades sont mêmes installées pour alerter les passants sur les risques d'écroulement de balcons déjà désagrégés. Partout, les trottoirs sont défoncés ou en continuelles poses de carrelages en lieu et place de bitume comme cela se fait dans les grandes villes du monde. Même la Grande-Poste, édifice néo-mauresque promis à un avenir de musée des PTT, donne la nette impression d'être à l'abandon.
Les mosquées les plus prestigieuses ne sont pas en reste. Djamaâ-el-Kebir, la plus ancienne mosquée d'Alger vouée aux célébrations religieuses officielles, a également besoin d'être sérieusement rénovée. Juste à côté, le somptueux Palais consulaire qui abrite la Chambre de commerce, a subi des dégâts visibles à distance avant que sa façade ne soit ravalée et ripolinée. La détérioration générale s'est encore accentuée depuis le séisme de Boumerdès en 2003. À l'image de Belcourt, Bab-el-Oued est dans un état de triste délitement. De nombreux édifices ont disparu et bien d'autres tout près de la dislocation.
L'érosion du bâti a déjà fait de nombreux morts dans une ville où on a dénombré officiellement près d'un demi-million d'immeubles coloniaux menacés d'écroulement. La plupart des constructions d'Alger intramuros sont autant d'épées de Damoclès sur la tête de leurs occupants. Le laxisme, voire la léthargie et l'incompétence de certains pouvoirs publics, s'expriment à travers le manque flagrant d'études détaillées. Et surtout du fait de l'absence de stratégie de rénovation et de réhabilitation réelle de la ville qui remplacerait, une fois pour toutes, le rafistolage intermittent et le bricolage sporadique. On le constate tous les jours, le centre-ville a perdu beaucoup de sa centralité administrative et de sa vitalité urbaine. Il est désormais une réserve immobilière gérée par les OPGI qui font le strict minimum en matière d'entretien. En fait, il n'y a pas de gestion quotidienne : on ne refait pas les cages d'escaliers, on ne rénove pas les ascenseurs, encore moins d'en installer de plus modernes ; on n'entretient pas les balcons et on n'étanchéise point les terrasses, mais on repeint parfois juste la façade.
Pourtant, malgré son état de sénescence, le centre-ville conserve une haute valeur matérielle, esthétique et symbolique parce qu'il représente l'image de l'Algérie à l'international. Cette image n'est pas celle de la nouvelle modernité urbaine qui s'étale, à la périphérie de la ville, sans schéma directeur et tout en étant d'une grande banalité immobilière, d'une affligeante uniformité architecturale et d'un tel mauvais goût ! La véritable image de la capitale réside davantage dans ce patrimoine ancien, dans ce centre historique qui domine une baie de rêve. Il n'y a pas de projet de réhabilitation, de rénovation et d'embellissement digne de ce nom ou du moins qui dure. Les exemples ne manquent pas : La Casbah d'abord, mais aussi, entre autres, le projet du Carrefour du millénaire, véritable serpent des mers ! On ne va jamais au bout des projets quand ils existent parce qu'on n'est pas capables de se mettre d'accord autour d'un vrai projet.
Alger a pourtant une identité urbaine, un cachet architectural, une diversité de styles et une âme esthétique. Une addition produite par ses différentes architectures. Un cachet global, une griffe générale résultant des signatures des architectes et autres urbanistes qui l'ont rêvée, imaginée et conçue. À l'image de Frédéric Chassériau qui a créé le boulevard du Front de mer, cette espèce de rue de Rivoli maritime, avec ses immeubles à arcades, reliée au port par un système de rampes monumentales. Et derrière Chassériau, la vague néo-mauresque, avec surtout la Grande-Poste, le siège de La Dépêche algérienne (actuellement occupé par le RND) et les Galeries de France devenues le musée Mama. Sans oublier Jacques Guiauchain et les frères Perret qui construisirent l'impressionnant ensemble du Gouvernement général, l'actuel Palais du gouvernement. Il y eut aussi les urbanistes René Danger, Henri Prost et Tony Socard qui essayèrent de rationaliser la croissance d'une ville qui s'éparpille.
Viendra ensuite Le Corbusier qui proposa un réaménagement radical de la ville. Son plan Obus prévoyait l'implantation d'un quartier d'affaires à la Marine et une série d'immenses immeubles curvilignes sur les hauteurs. Dans ce projet, un viaduc habité, véritable autoroute urbaine surplombant La Casbah et se déployant sur les collines, à mi-pente. C'était un rêve grandiose et fou. Et c'est justement de rêveurs de grandeur urbaine et de permanence architecturale dont Alger a plus que jamais besoin. Pas de bricoleurs à la petite semaine et de bureaucrates médiocres dont la vision d'une capitale ne dépasse pas la hauteur de trottoirs en perpétuel chantier de carrelages, pour la bonne fortune d'une faune de copains et de margoulins de la sordide espèce.
Vite un vaste plan Marshall, confié à l'intelligence et à des mains probes, pour sauver Alger de la ruine !
N. K.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)