Lors de son déplacement dans la wilaya de Annaba, le 1er ministre a convoqué les journalistes de l'APS pour leur remettre une déclaration sur la grave situation que vit le pays au plan économique et sécuritaire.Son appel à «un consensus économique national pour épargner au pays une crise grave» et son affirmation que «le pays fait face actuellement à deux défis majeurs, l'un sécuritaire, l'autre économique», Abdelmalek Sellal a tenu à en faire part aux journalistes de l'agence officielle pour les diffuser.Les messages qu'il a distillés dans la longue dépêche qui a été rendue publique jeudi dernier par l'APS sont nombreux, importants et fermes. C'est dire que la conjoncture n'est pas aisée ni commode pour le pays. Il appelle tous les Algériens «gouvernement, peuple, société, partis politiques et presse » à « une union et à un resserrement des rangs pour faire face aux conséquences graves et dévastatrices de la chute des prix du pétrole ». Il pense qu' « on doit tous s'impliquer pour dépasser cette situation et préserver le pays ».Pourtant, parmi la quarantaine de journalistes (sans compter les personnels techniques) qui l'ont accompagné à Annaba, il n'a divulgué ses propos uniquement qu'à ceux de l'APS. Il n'a pas expliqué alors aux autres journalistes comment pourront-ils répondre à son appel pour une «union» et quel rôle pense-t-il qu'ils incarnent s'il leur cache l'information officielle dans des moments qu'il qualifie lui-même de difficiles et graves.Par ce comportement, il est en tout cas le premier à provoquer des désunions, du moins dans les rangs de la presse. Un point de situation aussi important, le 1er ministre n'a pas voulu le partager avec tous les journalistes sans faire de distinction. Il s'est contenté de leur lancer des boutades à chaque fois qu'il inspectait un projet. A propos de boutade, celle lancée sur Kamel Daoud, le chroniqueur du Quotidien d'Oran, a laissé beaucoup de personnes perplexes. L'actualité nous oblige à lui trouver un lien avec le 1er ministre français, Manuel Valls, qui a écrit dans son blog qu'il défendait notre collègue depuis qu'il a été menacé par les islamistes. Sellal a peut-être voulu dire que Kamel est bien de chez nous… A moins que les journalistes n'aient pas saisi…Quand le 1er ministre se cache pour «informer»Il est connu que le 1er ministre a toujours eu le mot pour rire. Mais ce qu'on ne lui connaissait pas c'est qu'il entretient jalousement une communication officielle (institutionnelle '!') à deux vitesses. L'une destinée au magma de journalistes qui l'ont toujours accompagné dans ses déplacements à l'intérieur du pays, elle fait très souvent rire, elle est légère, elle décrit le simple quotidien des citoyens, elle est presque sans intérêt. En tout cas, elle n'est pas d'un grand apport pour les professionnels de la presse.Parfois, il leur est même difficile d'en tirer un article d'information notamment quand la sonorisation «officielle» bugue, ce qui se passe en général.L'autre, parce qu'il la réserve à l'agence officielle, il la veut inaccessible à la première catégorie de journalistes, pourtant elle est importante, elle engage l'Etat à ses plus hauts niveaux de responsabilité et en dévoile même ses visions et positions, elle recadre des conjonctures sensibles, cruciales, inquiétantes de par leur gravité comme souligné par ses soins dans la dépêche de l'APS.C'est la seconde fois que Sellal recourt à un aparté médiatique pour transmettre aux Algériens des messages importants, pendant qu'il est en déplacement à l'intérieur du pays et qu'il est surtout entouré d'un nombre important de journalistes, tous secteurs confondus. (Voir le Quotidien d'Oran du 21 juin 2015). Il fait, certes, croire qu'il est ouvert à tous. Mais, en agissant ainsi, il démontre qu'il ne fait pas confiance à la presse privée. L'obligation de fouille imposée seulement aux représentants des médias quand ils rejoignent l'avion de retour l'indique sans ambages. L'on s'est d'ailleurs toujours demandés pourquoi cette insistance pour qu'un grand nombre aussi important de journalistes l'accompagnent dans ses déplacements à travers le pays alors que la confiance manque. La réponse n'avait rien de convaincant ni d'ailleurs d'intelligent. «On ne veut exclure personne », est-il soutenu en pensant sûrement que c'est « bien » pour lui de se voir inspecter des chantiers sur tous les écrans…Le plus grave est que par sa distinction de deux «collèges», parfois trois, de journalistes, l'on peut déduire qu'il pense que les journalistes des organes privés sont incompétents, inconscients et détestent leur pays.De la restriction de l'information à celle budgétaireD'ailleurs, il l'insinue presque quand il note dans la dépêche de l'APS que «la liberté d'expression et de critique est un droit constitutionnel mais la sauvegarde et la protection de l'économie du pays est un devoir moral et patriotique». Il sait que les journalistes du secteur privé brandissent souvent leur droit de s'exprimer et de critiquer librement les actions du gouvernement ou le pouvoir en général au nom de la liberté de la presse même quand c'est au nom d'un sensationnel qui piétine l'éthique. Il doit donc en déduire qu'ils ne sont pas prêts à faire de « la sauvegarde et de la protection de l'économie du pays un devoir moral et patriotique». Sinon, l'on ne peut expliquer sa décision d'ignorer leur présence pour ne faire appeler en catimini par son chargé de la communication que les journalistes de l'APS et leur remettre sa déclaration (écrite). L'éthique institutionnelle aurait voulu qu'il en fasse des copies et les distribue à tous les journalistes. Avoir un éventail de commentaires pourrait éclairer les responsables les plus avertis. Le manque de confiance en la presse privée est flagrant. Il réfute même la constitution d'un pool de journalistes (comme dans les pays occidentaux) qu'il peut briffer à chaque fois qu'il juge nécessaire d'expliquer des politiques ou décisions importantes aux citoyens ou de passer des messages. Il devrait alors ne se contenter dans ses tournées nationales que de la presse publique en plus, bien sûr, d'infimes exceptions privées envers desquelles il a peut-être de l'affection.En ces temps de crise économique et financière qui lui tient à c?ur, cela rendrait ses déplacements «légers», sans encombre. Il ne sera pas obligé ainsi de transporter et de nourrir gratuitement les représentants d'une presse privée qui ne manque pas de moyens. La facture sera moins lourde pour l'Etat. C'est par des gestes aussi simples que doivent débuter les restrictions budgétaires…
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Posté Le : 12/03/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com