Reçu hier à un très haut niveau, par le président Abdelaziz Bouteflika, et, auparavant, par les présidents du Sénat et de l'APN, respectivement MM. Bensalah et Ziari, ainsi que par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, il ne manquait presque rien dans l'agenda de la visite du leader islamiste pour conférer à sa présence en Algérie un caractère officiel. Le seul élément qui manquait au décor : le protocole propre aux visites présidentielles à l'aéroport avec le rituel du tapis rouge déployé devant les visiteurs de haut rang, la présence de la fanfare de la Garde présidentielle, les honneurs militaires et l'exécution des hymnes nationaux des deux pays. Les usages politiques et protocolaires ont été profondément malmenés à la faveur de cette visite, d'un côté comme de l'autre.
Tout d'abord côté tunisien : au-delà des motivations politiques et autres qui sous-tendent cette visite à laquelle le parti Ennahda, grand vainqueur des dernières élections tunisiennes sur la Constituante, semble attacher une symbolique particulière puisqu'elle intervient quelques jours seulement après ce scrutin, le fait que le leader d'Ennahda se soit empressé d'effectuer une visite en Algérie alors que les institutions tunisiennes ne sont pas encore mises en place dégage une impression de coup de force du parti dominant, Ennahda en l'occurrence, sur ces institutions. Car même si le leader islamiste avait jugé nécessaire de se faire accompagner, durant son séjour à Alger, du futur président de la République tunisienne en la personne de Moncef Merzouki, chef du Congrès pour la République (CPR), partenaire d'Ennahda dans la coalition gouvernementale dont la nomination devrait àªtre entérinée lors de la première réunion de l'Assemblée constituante, cela n'enlève rien à la symbolique que le leader d'Ennahda a voulu imprimer à cette visite.
Il a voulu montrer qu'il est le véritable centre et détenteur du nouveau pouvoir tunisien, le pouvoir réel avec lequel les partenaires étrangers de la Tunisie doivent compter, même s'il n'occupe aucun poste dans l'Exécutif. En tout cas, c'était dans les faits, à ce titre, qu'il avait été reçu et a tenu à àªtre reçu en Algérie. Car si tel n'était pas son objectif, pourquoi alors cette précipitation à vouloir forcer l'agenda diplomatique en programmant une visite qui dépasse les prérogatives d'un parti politique, fut-il majoritaire, auquel il veut faire jouer manifestement un rôle transpartisan pour en faire carrément un parti-Etat '
M. Ghannouchi aurait pu attendre que les institutions tunisiennes soient mises sur pied, que le nouveau président de la République soit connu et officiellement investi dans ses nouvelles fonctions et que le Premier ministre et le gouvernement soient également installés pour prendre son bâton de pèlerin. En cela, le chef d'Ennahda a pris de vitesse ses partenaires de la coalition, notamment Moncef Merzouki, le futur président tunisien, dont on annonce la visite prochainement en Algérie. Cela donne un avant-goût du conflit de compétences qui attend le nouveau pouvoir en Tunisie. Un conflit dont on ne réalise pas l'étendue et la complexité en ces lendemains euphoriques de la révolution.
Maintenant, côté algérien, il est pour le moins inhabituel que le président Bouteflika lance une invitation sous le sceau de l'officialité à un chef de parti et lui déroule le tapis rouge sans s'encombrer du respect des usages protocolaires diplomatiques. La realpolitik, on veut bien si cela peut servir les intérêts du pays. Mais encore faudrait-il que cette règle soit appliquée de manière non sélective. Il n'y a pas longtemps, un candidat à l'élection française, le socialiste François Hollande, dont la cote caracole dans les sondages, était en visite en Algérie.
Il n'avait pas eu, lui, les faveurs d'être reçu par le président de la République. Deux poids, deux mesures. La visite à Alger de Ghannouchi, à l'invitation personnelle de Bouteflika, s'assigne, selon toute vraisemblance, un double objectif. Le premier, diplomatique, destiné à jeter des passerelles avec les nouvelles autorités tunisiennes après que les autorités algériennes aient suivi la révolution tunisienne à partir du balcon. Le second message est destiné à la consommation intérieure. Pour dire que le pouvoir, en Algérie, n'est pas hostile aux révolutions arabes, comme on le prétend. Mais aussi et surtout pour faire un clin d'œil aux islamistes algériens qui pourraient se reconnaître et épouser le modèle tunisien.   Â
A quelques mois des législatives en Algérie, cela s'apparente à une consigne de vote….
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Posté Le : 22/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Omar Berbiche
Source : www.elwatan.com