Allah Akbar»: la clameur est emplie de ferveur et d'une rage enfin
libérée. Des milliers de partisans laissent éclater leur «fierté islamique» à
l'apparition de Rached Ghannouchi, chef historique du mouvement islamiste
Ennahda, de retour à Tunis après plus de 20 ans d'exil. Il est 12h30 dimanche,
l'avion de British Airways qui ramène leur «prophète» de Londres vient de se
poser. Depuis des heures, ils l'attendaient, écrasés les uns contre les autres
dans le hall de l'aéroport de Tunis-Carthage, scandant «Le peuple est musulman,
il ne cèdera jamais». Un message résonnant comme une menace pour les quelques
dizaines de défenseurs de la laïcité, venus dire, eux, leur inquiétude. «Allah
Akbar» a lancé à la foule Rached Ghannouchi, souriant, les bras tendus vers le
ciel, avant d'être happé par ses partisans. Autour de lui, quasi comme pour une
star de rock, un cordon de sécurité de son parti en casquettes blanches fait
rapidement barrage, l'escortant vers la sortie, hurlant «ne le touchez pas! ne
le touchez pas!». «Je suis tellement heureuse de le ramener à la maison. Jamais
je n'aurais pensé revoir mon frère vivant», dit à l'AFP sa soeur Jamila,
expliquant que le leader âgé de 69 ans, dont le visage est inconnu de la
plupart des jeunes rassemblés à l'aéroport, va d'abord «aller retrouver sa
famille» dans la banlieue de Tunis avant de s'exprimer publiquement.
«Aujourd'hui, nous ne nous focalisons pas sur le politique. Nous voulons parler
de la situation des jeunes militants qui ont été jetés en prison, qui n'ont pas
de travail. Nous voulons parler de ces centaines de jeunes privés de
passeport», affirme Abdelfateh Mourou, co-fondateur d'Ennahda et compagnon de
la première heure de Ghannouchi. «Nous revendiquons les mêmes droits que chaque
citoyen tunisien», insiste-t-il.
Dans la cohue, les militants
d'Ennahda entonnent un chant très symbolique en terre d'islam, celui qui évoque
le départ du prophète de La Mecque vers Médine en 622. Bien avant l'arrivée de
Rached Ghannouchi, une foule dense, débordant du hall du terminal jusque dans
les coursives du premier étage, s'était rassemblée, alternant, à pleins
poumons, l'hymne national et de vibrants «Allah Akbar». Quelques Corans et
rameaux d'olivier émergeaient à bout de bras de la masse compacte, beaucoup
d'appareils photo et de téléphones portables. Quelques niqabs sombres étaient
visibles dans une foule essentiellement masculine.
Un peu en retrait, plusieurs
dizaines de défenseurs de la laïcité tentaient de donner la voix, brandissant
des pancartes contre le fondamentalisme. «Nous sommes venus dire que la laïcité
est la seule garantie pour la liberté religieuse. Et nous nous méfions, parce
que les islamistes sont spécialistes du double langage: ils prônent l'égalité,
profitent du système démocratique pour arriver au pouvoir et, ensuite,
remettent tout en cause», affirme Bassem Belhal, un ingénieur de 24 ans. A ses
côtés, une jeune femme s'est peint au feutre une moustache et une barbe sur le
visage, parce qu'»avec les islamistes, il faut être un homme pour exister». Une
autre, cheveux dénoués et jupe au dessus du genou, dit: «oui à l'islam, non à
l'islamisme».
Au moment où la foule se
dispersait après le départ de Rached Ghannouchi pour ses premiers pas en terre
tunisienne depuis deux décennies, la tension est montée d'un cran entre les
deux camps. Encerclés et minoritaires, les jeunes laïcs sont bousculés, leurs
pancartes arrachées. «Les salauds! vous voyez, ça commence!», lance une jeune
femme. Rached Ghannouchi a déclaré à l'AFP qu'il ne serait pas candidat à la
prochaine présidentielle, quelques heures après être rentré en Tunisie après
plus de 20 ans en exil.
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Posté Le : 31/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kaouther Larbi Et Sofia Bouderbala De L'afp
Source : www.lequotidien-oran.com