Algérie

Virée à Sidi Fredj : À la recherche du lustre d'antan



Virée à Sidi Fredj : À la recherche du lustre d'antan
Photo : Fouad S. Dans les années 70, la cité balnéaire déclinait ses charmes sous le slogan «tout est différent». S’engager le week end sur l’autoroute et se rendre à Sidi Fredj s’avère un véritable calvaire. L’automobiliste est moins anxieux les autres jours. On roule sans trop d’encombres ou de stress. «Ne vous fiez pas aux apparences», nous avertit un gendarme au poste d’entrée au complexe touristique. «L’an dernier, nous explique t-il le volet circulation du Plan Delphine n’était appliqué qu’en fin de semaine. Aujourd’hui, dès quatorze heures et jusqu’à deux heures du matin, obligation faite d’autoriser les véhicules à ne rouler que dans un seul sens». Les hommes en vert appréhendent surtout les soirées où de grandes vedettes sont programmées au Casif. D’ailleurs, certains spectateurs ratent le spectacle tellement les bouchons se forment jusqu’après dix heures du soir. Les gendarmes n’ont pas seulement les yeux braqués sur l’évolution de la circulation. Il faut passer par eux pour avoir l’autorisation de pénétrer dans l’enceinte du complexe pour prendre des photos.LES CLANDESTINS DU PORTSidi Fredj, c’est d’abord un port de plaisance entouré de boutiques de souvenirs, de restaurants, de marchands de glace. C’est là que furent tournées des scènes du film culte «les vacances de l’inspecteur Tahar» mais nulle plaque ne l’indique. «Pire, nous avouera un habitué des lieux, même les rochers où débarquèrent les troupes françaises en 1830 aucune plaque historique n’existe». La nostalgie est un sentiment très partagé chez tous ceux qui ont connu l’époque faste où ce site était un haut lieu du tourisme algérien. «Il y avait beaucoup d’étrangers ici», nous dit Samir Bechali, patron d’une librairie. Selon lui «la clientèle n’est plus la même». «Il y a moins en moins de gens courtois, élégants, etc. , c’est tout», soupire-t-il en désignant du menton un gardien à l’entrée en survêtement et claquettes et comme pour appuyer ses propos un bref regard sur les murs sales et sous les arcades le vent soulève les détritus, d’ailleurs vous avez l’exemple de  Riadh El Feth, regardez d’une manière générale et vous comprendrez».  Pour Arabi Mourad occupé à placer une pièce dans le moteur de son embarcation, il est le propriétaire  du bateau «les copains d’abord», un de ces dix rafiots qui emportent au large les familles ou les couples. «Nous sommes une dizaine mais nous sommes livrés à nous même». Les clandestins ne pullulent pas seulement aux abords des gares ou des aéroports. Sur l’eau, ils sont aussi légion et sont plus nombreux que ceux qui exercent d'une manière légale. «Que voulez vous ' Personne n’intervient pour mettre de l’ordre», se désole Mourad. Un homme qui dit habiter Hussein Dey est venu «pour inspecter son bateau amarré à un des pontons en bois». Ce dernier, nous dit-il a parcouru le monde et a vu de nombreuses capitaineries, et il ajoutera que «le port est dans un état déplorable», en pointant du doigt une carcasse de bateau sous les eaux noirâtres. Le nettoyage des lieux laisse beaucoup à désirer et les déchets qui s’accumulent menacent les bateaux. La moindre des choses est d’afficher les prix par taille de bateau, de durée de séjour», fait-il remarquer en rappelant qu’il paye 18.000 DA chaque année.VIVIER SANS VIE De l’autre côté, la plage est noire de monde. Il est presque treize heures mais le restaurant «le Vivier» reste par contre désespérément vide. Son patron, M. Abdeslam a rénové les lieux qui étaient livrés à l’abandon. «Cet endroit était totalement abandonné quand je l’ai loué en janvier 2010 pour une période de cinq ans». De la vaste salle de restaurant, on peut voir les ouvertures par où s’infiltre l’eau de mer, d’ailleur l’un des murs de l’établissement est un rocher touché par le ressac. «Le Vivier» où l’on voit une grappe de moules ramenés d’El Kala a donné son nom au restaurant. Des tables, à faire rêver tous les amoureux, sont disposées au-dessus de l’eau sur une esplanade de fer. «Hormis les jours du week-end, les clients se comptent sur les doigts de la main» nous confie le maître de céans. Quelques étrangers dont des Chinois qui sont des connaisseurs apprécient les spécialités de poissons et crustacés dont le prix moyen d’un plat complet tourne autour de 2.500 DA. «En hiver, par contre je ne prends même pas la peine de venir». M. Abdeslam a rêvé d’un lieu convivial, où il a instauré de saines traditions mais il est désabusé. Il est catégorique. «On ne peut nager contre le courant». Ne lui parlez pas surtout de renouveler son bail. Assis devant sa boutique, un artisan qui propose des tapis et des pièces de dinanderie attend sans trop d’illusions les clients. «Ce genre d’articles ne  peuvent s’écouler sans un flux de touristes étrangers» nous dit t-il l’air las de quelqu’un qui s’oblige à répéter indéfiniment des évidences.ENTRE DÉTENTE ET CONTRAINTELe directeur de l’hôtel Marsa cache mal sa nostalgie même s’il prend soin de ne pas trop l’afficher. «Les mentalités ne sont plus le même», reconnaît M. Chérifi. Il a pourtant des raisons de se réjouir. «Nous n’avons plus de chambres libres parmi les 94 que compte l’hôtel». «En plus de la Sonatrach qui assure presque le quart de la clientèle, nous avons réussi à fidéliser une clientèle». En demi-pension, la chambre coûte 10.600 DA. A l’occasion du sommet de l’UE en 1999 et du Sommet arabe, les lieux ont été rénovés et présentent un visage plus avenant. Le cadre satisfait la plupart des vacanciers qui se délassent prés de la piscine ou passent au barbecue le soir venu. Les enfants tout joyeux barbotent dans la piscine. Une animation sur place tente d’ajouter une note de gaieté au séjour. «La plage est bonne», confie Amel une étudiante en journalisme «mais je suis dérangée par les jeunes qui viennent de loin pour se mêler aux familles». Un simple portail à pousser et le locataire d’El Marsa a les pieds sur un sable propre et fin. Une haie de roseaux délimite un espace où les femmes en tenue de plage sont plus nombreuses. De l’autre coté, elles sont presque toutes en hidjab, se contentant de humer l’air marin ou se baignant en survêtement ou robes d’intérieur. «Nous n’interdisons la plage à personne notamment les familles qui peuvent louer un parasol et une chaise à 250 DA»,  explique un agent chargé par la direction de l’hôtel de surveiller les locataires. «Nous renvoyons par contre les jeunes gens qui viennent seuls et risquent de déranger les familles»,  ajoute t-il. Quelques jeunes qui ont loué un espace pour des jeux d’enfants inondent la plage de musique assourdissante. Signalons qu’aucun ne s’est plaint d’agression ou de vol. Les rondes de policiers rassurent beaucoup les vacanciers. La plage est aussi vécue par beaucoup de femmes comme espace de surveillance et de contraintes. Une mère de famille erre sur la plage en compagnie de sa fille. Elle habite Blois en France mais est originaire de Marsat El Hadjadj, wilaya d’Oran. «On fixe trop du regard les femmes ici, alors vous imaginez si j’ai envie de fumer». Sa fille se dit également déçue. «Hormis le soleil, on ne trouve rien ici, pas de soirées musicales sur le sable pour les jeunes, pas de rencontres avec des gens d’autres cultures comme au Maroc» se désole Sabrina. Aurait elle un slogan pour Sidi Fredj ' Elle n’hésite pas. «Ici dit elle en riant, rien à dire, rien à faire».


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