Algérie

Violences



Violences
La campagne de sensibilisation contre la violence ne laisse personne indifférent. Des professionnels décryptent l'objet de la polémique.«Si j'avais su, je ne l'aurais jamais fait.» Un homme, 45 ans, gifle sa femme qui s'écroule sur le sol. On entend des enfants crier. Des trois spots de sensibilisation sous le slogan «Agissons sans violence», lancés par le ministère de la Communication et diffusés à la télé et sur internet, celui sur la violence conjugale est sans doute le plus difficile à regarder. Les deux autres veulent dénoncer la violence routière et urbaine. «Nous avons élaboré trois films de 28 secondes, dont l'histoire se déroule quelques instants seulement après un acte de violence», explique Cherif Ihaddadène, l'initiateur de Lahna Binatna.Si cette campagne est, dans l'ensemble, bien accueillie par les citoyens, elle est aussi sujette à controverse. D'abord en raison du choix des comédiens, essentiellement des jeunes, laissant penser qu'ils seraient les seuls acteurs de violence. Un choix, selon Cherif Ihaddadène «justifié par les chiffres». «Il faut se rendre à l'évidence, 80% des violences urbaines sont causées par des jeunes», explique-t-il. Belkacem Ahcène-Djaballah, professeur associé à l'Ecole nationale supérieure de journalisme, pointe du doigt la politique de l'Etat.Selon lui, «dans notre système, le coupable, c'est toujours ?l'autre', à savoir les jeunes. Encore une fois, il est plus facile de viser ou d'accuser une cible qui n'a aucune influence directe sur le terrain et sur la décision politique», déplore-t-il. Pour le professeur de sociologie Brahim Benmoussa : «Considérer que les jeunes sont responsables de la violence illustre parfaitement la simplification facile d'un phénomène complexe.» Selon lui, «ces spots de ramener le phénomène à cette catégorie d'âge et d'alimenter des préjugés qui conduisent généralement à des décisions inefficaces et inappropriées». Par ailleurs, Belkacem Mostefaoui, professeur à l'Ecole nationale supérieure de journalisme d'Alger, regrette que «les concepteurs des spots de la campagne s'interdisent absolument d'entrer dans les considérations profondes qui alimentent la violence sociale en Algérie».ChoquerDeuxième critique : l'utilisation de la violence pour dénoncer la violence. Belkacem Ahcène-Djaballah pense : «Les concepteurs ont décidé de montrer des scènes violentes pour accentuer le côté tragique et dramatique des situations présentées. Les concepteurs ont plutôt voulu frapper l'imagination des hommes pour stopper le mal.» Ce que confirme Cherif Ihaddadène qui ne s'en cache pas : «Le but était de choquer le citoyen afin de faire passer le message.» «L'acte de violence survient lors d'un moment d'égarement, de la perte d'esprit de quelques secondes, c'est pour cela que nous avons tenu à mettre en scène l'acte et les conséquences qu'il engendre, afin de frapper l'esprit des téléspectateurs», conclut-il.Cependant, le fait de dénoncer la violence en montrant des scènes de violence est «lié à une mal-vie croissante dans une société en pleine transformation dans une mondialisation brutale et anarchique, mais aussi et surtout due à l'ignorance et l'inculture», affirme Belkacem Ahcène-Djaballah. Pour lui, «cette logique rentre dans la politique d'un système qui n'a pas su gérer le présent et le devenir de sa société qu'il a voulu, dès le départ, diriger comme si elle était immature, alors qu'il fallait, dès le départ la ?responsabiliser' sans trop état d'âme et de discours religieux et révolutionnaires».Le professeur Belkacem Mostefaoui estime : «Ce ne sont pas les mots et les images qui doivent choquer, mais les réalités ; et souvent, ces réalités ne sont pas vraiment vues dans leur gravité réelle.» Par ailleurs, cette campagne, qui vise à promouvoir un comportement non violent au sein de la société, est-elle suffisante pour stopper la violence ' «Non, répond le professeur d'Alger 3. Ce ne sont pas des spots qui régleront le problème. Mais la solution serait de promouvoir des analyses, des enquêtes, des reportages ainsi que des films sur toutes les formes sociétales de violence», conclut-il.




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