Algérie

Violence contre les femmes: Le rôle des élites, des médias et des imams remis en cause



? Selon un bilan présenté par Ghania EDDALIA, ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine, pas moins de 7.156 femmes en difficulté dont 1.128 cas victimes de violence, ont été prises en charge par les services de la solidarité sociale, rien que pour le premier semestre 2018. Sans parler des espaces de conciliation familiale relevant du même secteur (de la solidarité) qui ont accueilli 30.672 familles, dont 1.719 ont bénéficié de l'accompagnement familial, durant la même période (1er semestre 2018).Si pour certains, les chiffres ne reflètent pas la réalité, que ce soit pour les femmes qui sont en difficulté ou spécialement les femmes violentées, le professeur d'université, M. Mohamed Taybi, a estimé qu'on ne devrait pas être coincé dans la logique des chiffres. «Mais, il faut donner une lecture à ces chiffres, pour pouvoir analyser en profondeur ce phénomène de violence à l'égard des femmes dans le but de concevoir des actions pour faire reculer tous types de violence contre la femme et ce sans diaboliser en contrepartie l'homme». C'est d'ailleurs ce qu'a recommandé le professeur, hier, lors de la tenue d'un symposium sur la violence contre les femmes, à l'Ecole de la CNAS (Ben Aknoun).
Le professeur Mohamed Tayeb a remis en cause le rôle des élites, des intellectuels, des médias et des imams dans la prévention contre la violence faite aux femmes. Il regrette que parfois «les médias ne se hissent pas au niveau de la conscience, parfois ils brouillent malheureusement la conscience», dit-il. Et de souligner : «nos mosquées sont très faibles, elles adoptent des discours en déphasage avec ce qui se passe dans la société, pourtant les gens font toujours confiance à ces lieux de culte». Et d'expliquer que «les imams ne produisent pas des discours qui préviennent le mal et qui essayent de s'adapter à la réalité, mais ils produisent des discours qui jugent ce qui est autorisé (halal) et ce qui est interdit (haram)», alors que «dans l'Islam et dans le Coran, la dynamique entre le possible et l'impossible a toujours existé».
Pour le professeur, l'être humain n'est pas un ange, Dieu l'a créé avec toutes ses différences, d'où la nécessité de le comprendre. Pour lui, il faut comprendre la psychologie de cet homme qui a des stéréotypes et des préjugés au sens péjoratif à l'égard des femmes, afin de l'humaniser d'abord. La ministre de la Solidarité a proposé la création de «centre pour les personnes auteurs de violence contre les femmes».
Le professeur a regretté par ailleurs l'absence de données sectorielles et analyses analytiques et sociologiques du phénomène de la violence contre les femmes. Ainsi que l'absence des études académiques sur les violences contre les femmes en Algérie, sur le profil des femmes algériennes, sur le profil des auteurs de violence contre les femmes et l'absence de débats constructifs. Pour le professeur, «il faut surtout débattre toutes ces questions car c'est le silence qui nourrit parfois la violence». «Je suis pour tous débats, même celui relatif à l'égalité de l'héritage entre la femme et l'homme», en estimant que «le cerveau est une balance, et celui qui n'a pas de balance, n'a pas de cerveau», dit-il. Il précise encore qu' «il ne faut pas avoir peur du droit, car le droit est une vérité». Mais, selon le professeur «le débat a ses intellectuels et ses penseurs, l'intellectuel doit avoir des éléments et des arguments de conviction et non reproduire ce que dit le grand public».
Enfin, sur l'absence d'études académiques, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine a affirmé que son département a déjà signé une convention avec le ministère de l'Enseignement supérieur, pour justement exploiter quelques études et encourager la recherche dans ce domaine. Il a été fait état également de la création d'une base de données consacrée aux femmes victimes de violences ou en détresse, dans le but de moderniser le mécanisme de collecte des données, d'élaborer des rapports statistiques et des programmes plus ciblés en matière de prise en charge des femmes en difficultés et celles victimes de violences.
Cadre légal : L'Algérie un modèle dans la région MENA
Le coordinateur du système des Nations Unies en Algérie, M. Eric Overvest a affirmé pour sa part, que la violence contre les femmes touche toutes les sociétés, quel que soit leur degré de développement, sans distinction de la couche sociale, ni de génération. Et de citer le secrétaire général de l'ONU, qui a affirmé que «la violence à l'égard des femmes a pour origine un profond manque de respect, et l'incapacité des hommes à admettre que les femmes sont leurs égales et à reconnaître leur dignité intrinsèque». Pour Eric Overvest, l'Algérie a réalisé des avancées en matière de lutte contre la violence faite aux femmes, notamment grâce à un cadre légal des plus progressiste dans la région MENA. Et de préciser que l'Algérie peut même se vanter d'avoir un cadre légal, des services sociaux et de santé favorable à l'élimination ou tout au moins à une forte diminution de cette violence multiforme à l'encontre de la femme. Selon le représentant de l'ONU, pour veiller à l'application de la loi, il faut surtout sensibiliser les femmes sur leurs droits «car trop souvent les femmes victimes se sentent obligées de retirer leur plainte sous la pression familiale ou autre et sont maintenues en situation de précarité».
La ministre de la Solidarité a affirmé dans ce sens qu'il faut plus de sensibilisation à l'égard des femmes. «Il faut qu'elles sachent que les services de la solidarité et l'action sociale peuvent les accueillir en cas de dépôt de plainte ou dans le cas où les femmes qui maintiennent la plainte se sentent abandonnées par leurs proches». Elle a affirmé par ailleurs qu'il faut prévenir davantage contre les violences faites aux femmes et il faut lutter davantage contre les discriminations entre les deux sexes, mais a précisé qu'en Algérie «on assure déjà la parité dans les salaires et la retraite entre les femmes et les hommes, contrairement à certains pays occidentaux».


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