Algérie

Vingt-quatre heures après les attentats Retour sur les lieux du drame



Les Algérois se sont réveillés hier avec la « gueule de bois ». Les attentats qui ont eu lieu, mardi 11 décembre, étaient sur toutes les lèvres. Hier, les rumeurs les plus folles sur le nombre de victimes revenaient à chaque fois dans les discussions des gens qui ont pris d'assaut les buralistes, pour en savoir plus sur le drame qui venait de frapper encore une fois la capitale. Au lendemain donc de l'attentat qui a fait, selon un bilan officiel, 31 morts et 177 blessés, aucun dispositif particulier n'a été déployé à travers Alger. Les mêmes barrages qui existaient déjà auparavant sont maintenus et n'ont pas été renforcés. La seule chose qui diffère peut-être des autres journées, c'est la diminution de la circulation automobile au niveau de l'autoroute et même à l'intérieur du centre d'Alger qui est devenue miraculeusement fluide. Il était 11h hier, devant des barricades placées par la police, pour empêcher la circulation vers le boulevard ou est implanté le Conseil constitutionnel à Ben Aknoun. Les policiers en faction étaient intransigeants. Malgré notre insistance pour accéder du côté de l'édifice qui a été ciblé la veille par un attentat sanglant, la police ne voulait rien entendre. « Nous avons reçu des instructions précises » répétait inlassablement un policier en tenue, talkie-walkie à la main. Pourtant, la veille, le ministre de l'Intérieur et des collectivités locales M. Nordine Yazid Zerhouni, interpellé à ce sujet, a déclaré qu'il n'a donné aucune injonction pour empêcher les journalistes d'accéder sur les lieux des attentats pour faire leur travail. Nous décidons de rebrousser chemin pour aller à Hydra et essayer de glaner quelque « infos » sur l'attentat qui avait ciblé le siège du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Même scène et même scénario ! La police bloque l'accès à la rue qui mène vers le bâtiment de l'ONU et répète encore qu'elle a reçu des instructions. La décision est prise d'aller à pied sur les lieux. Nous traversons des quartiers de Hydra qui passent pour être les plus huppés de la capitale. Il fait froid et un silence religieux y règne. Une femme sur le trottoir discutait avec ce qui semblait être sa voisine. « Il paraît qu'il ont retiré ce matin un homme des décombres », disait-elle avec tristesse. Nous atterrissons enfin du côté de la rue « Abou Nouas » pour nous retrouver encore une fois nez à nez avec la police qui a fermé l'accès mais nous a laissés accéder dans le quartier sur simple présentation de notre carte de presse. Quelques mètres plus loin, des journalistes étaient déjà arrivés mais étaient bloqués par des policiers qui rabâchaient tels des automates qu'ils ont des instructions pour ne laisser personne s'approcher des décombres où s'affairaient encore les sauveteurs pour dégager les victimes. Seuls la télévision et quelques privilégiés des organes publics étaient autorisés à entrer au quartier, rue « Raoul Payen », complètement défiguré par l'explosion. Il commence à pleuvoir. De gros engins sont entrés en action tout autour de ce qui restait encore du siège du HCR, qui est tombé comme un château de carte lors de la déflagration. Il faut savoir que les maisons se trouvant sur un rayon de 100 mètres ont toutes étaient endommagées par l'explosion. Certaines habitations dont des pans entiers de murs sont tombés risquent même ruine. Nous contournons les barrages et nous nous engouffrons à l'intérieur d'une villa située à une cinquantaine de mettre derrière le lieu de l'attentat. Entre le bâtiment de l'ONU et la villa, il n'y a qu'un jardin. Le propriétaire de la maison, un homme d'un certain âge, a bien voulu nous permettre d'accéder à la terrasse pour voir d'en haut les dégâts occasionnés au siège du HCR. Le spectacle est horrifiant. Nous découvrons en fait que le siège du HCR est constitué de trois bâtiments. C'est le bâtiment qui était situé au milieu qui est complètement détruit. La bâtisse est devenue un amas de gravier que des dizaines de sauveteurs de la Protection civile continuaient de déblayer et de fouiller dans l'espoir de retrouver un survivant. Les deux autres bâtiments, quant à eux, étaient sérieusement touchés mais étaient restés debout bien que plusieurs murs étaient littéralement arrachés par le souffle de l'explosion. Le fils du propriétaire de la villa qui nous a invités, nous a affirmé hier, que juste après l'explosion, pas moins de 40 personnes, entre morts et blessés, ont été transportées dans son propre garage en attentant l'arrivée des secours. Sa petite soeur Imène, une adolescente de 15 ans, affirme quant à elle que durant la soirée de mardi, les éléments de la Protection civile ont retiré des décombres trois cadavres. Il faut savoir que du haut de la terrasse, l'on domine toute la scène où a eu lieu l'attentat. Son père Mohamed, blessé à la main et visiblement fatigué par une telle épreuve, raconte que lorsque l'explosion a eu lieu, toutes les vitres de sa maison ont volé en éclats. Il nous a même fait visiter des chambres où c'est carrément les portes et les cadres des fenêtres qui ont été arrachés par la puissance du souffle de la déflagration qui a touché à des degrés moindres toutes les habitations des alentours. Sa femme, raconte le vieil homme, était en train de faire sa prière quand subitement le cadre de la fenêtre lui est tombé sur la tête. La malheureuse qui baignait dans son sang, a dû être hospitalisée. Nous sortons de la maison du vieil homme pour rencontrer d'autres voisins qui nous racontent que quelques mètres plus loin, un couple de vielles personnes s'apprêtaient au moment de l'explosion à prendre la route pour aller à l'aéroport afin d'embarquer vers les Lieux Saints pour effectuer leurs Hadjs. Selon ces riverains, les deux personnes sont mortes sur le coup. L'émotion était hier à son comble. Il est près de 15 heures. Le ministre de la Solidarité nationale Djamel Ould Abbas est arrivé sur les lieux, puis c'était au tour du patron de la centrale syndicale Sidi Saïd de faire son apparition. La police décide enfin de laisser les journalistes accéder aux décombres, mais plusieurs journalistes ont préféré rentrer à cause des impératifs du bouclage.


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