Algérie

Villegiature. Wilaya de Aïn Témouchent : L'histoire, la légende, les saints et la mer



Villegiature. Wilaya de Aïn Témouchent : L'histoire, la légende, les saints et la mer
Le Témouchentois s'est enrichi de deux nouvelles zones d'expansion touristiques (ZET), à l'extrême-ouest de son littoral, avec des sites pratiquement vierges de béton et où l'eau de mer est d'une limpidité exceptionnelle.


Il s'agit de la zaouïa de Sidi Yacoub et les criques qu'elle domine pour l'une et pour l'autre, des plages mitoyennes de Ouardania et Malousse. Cette partie de la région des Traras orientaux n'était accessible, jusqu'à cette année, qu'aux estivants en provenance de la wilaya de Tlemcen, parce que la seule voie carrossable qui y débouchait, la relie à Tlemcen dont elle faisait partie, avant que Aïn Témouchent ne soit érigée au rang de wilaya. Une toute nouvelle route l'unit désormais au reste du Témouchentois, dans le prolongement de la route littorale qui commence à Madagh, à l'extrême-est, et qui s'étale sur 80 km de côte. Les estivants de tous le pays, de plus en plus nombreux à rendre visite au Témouchentois, feront immanquablement un tour du côté des deux nouvelles ZET. Cependant, le déplacement ne vaudra véritablement que s'il s'effectue avec de la curiosité à l'égard de cette contrée, dont la singularité ne manquera pas d'étonner le vacancier. Qu'en est-il au juste ? Pour la géographie, cette région de montagnes, est le pays des Oulhaça gheraba, d'où son nom, soit plus de 50 douars disséminés sur deux communes au gré des crêtes et des vallons, d'un territoire de maraîchage où aucun colon, hormis à ses frontières, n'a pu prendre pied, cela grâce à une résistance multiforme et une solidarité sans faille entre les membres de la communauté. Là, il n'y a eu de ce fait ni EAI, ni EAC ni en conséquence de mentalité rentière. C'est le pays du travail acharné, en continu sur toute l'année, d'une multitude de petits lopins constituant de superbes patchworks de couvert végétal. La mécanisation y est nulle.
Un pays de Cocagne
Les bêtes de somme sont légions. Aussi, vous rencontrerez forcément des agriculteurs retournant leur terre, une charrue tractée par un mulet ou un âne. Mais, en ces jours d'été, vous assisterez plutôt à un spectacle dont vous n'avez pas idée : le battage des récoltes de poischiches, pour séparer les grains des tiges et de leurs gousses, se fait à l'aide d'ânes qui les martèlent de leurs sabots. Les bêtes groupées et reliées par une corde, sous la férule d'un fellah, tournent dans une incessante ronde sur l'aire de battage. C'est dire que ce pays humble et rude, pour celui qui sait voir, a bien des leçons à nous donner en matière de valeurs. Ici, on ne se targue d'aucune légitimité. Et pourtant, pour l'histoire, cette région a enfanté Tarek Ibn Ziad, le conquérant de l'Andalousie et Mohamed Bouhmidi El Oulhaci, l'intrépide lieutenant de l'Emir Abdelkader. Plus antérieurement, c'est en ce coin d'Algérie que le premier aguelid numide, à avoir créé la monnaie (-200 avant JC), avait sa capitale, Siga, sur la berge ouest de l'embouchure de la Tafna. Il s'agit de Syphax, roi des Massaessyles dont le règne allait de la Moulouya à Constantine. Vainqueur de Gaïa, roi des Massyles, il fut l'adversaire malheureux du fils de ce dernier, Massinissa. C'est de l'estuaire, en bordant le complexe touristique Syphax et l'imposante île de Rachgoun qui lui fait face, qu'on prend pied en Oulhaça, avec pour première étape l'escarpé Zouanif qui domine de ses hautes falaises la grande bleue et une multitude de criques auxquelles n'accèdent que les baigneurs les plus hardis, parmi les autochtones. Ouardania est à l'autre extrémité. C'est une étroite plage de sable dont le nom lui vient de celui de Sidi Ahmed El Ouardani, un combattant de l'armée de l'Emir, enterré pas loin dans un mausolée. Malousse, sa voisine, est une plage de galets. Son nom, dit-on, renvoie en tamazight à la terre glaise des falaises qui la surplombent.
La baraka de Sidi Yacoub
A cet égard, ici, en matière de toponymie, presque tous les hameaux et lieux-dits commencent par Sidi, au point que, localement, l'autodérision fait dire que pour chaque palmier nain de la région il y a un saint, « koul douma b'wali ». Et là, l'histoire s'entremêle avec la légende comme pour Sidi Yacoub, lieu d'une zaouïa datant du début du XIVe siècle, fondée par celui dont elle porte le nom, non pas pour des raisons maraboutiques mais tout autant pour dispenser l'enseignement religieux que pour assurer la surveillance du large au regard des craintes des Zianides, d'une invasion par la mer. En effet, du promontoire où trône la zaouïa, s'offre au regard la grande bleue à perte de vue. De là, par nuit d'été claire, on peut apercevoir les lumières des îles Zaffarines, possessions espagnoles, appelées côté marocain Jazirat Chofar (îles des détrousseurs), pour avoir été au XIXe siècle un repaire de pirates. Pour l'histoire encore, Sidi Yacoub a été le lieu d'une célèbre bataille livrée et gagnée par les troupes de l'Emir Abdelkader (25 avril 1836).
Côté légende, une fable encore vivace, raconte que des marins espagnols en difficulté abordèrent sur le rivage pour solliciter la baraka du cheikh Yacoub, ce qu'il consentit à leur accorder. En guise de remerciement, ils lui promirent de lui faire parvenir les planches dont il avait besoin pour achever la toiture de la zaouïa. Il leur recommanda de ne confier le bois à aucun navire et de le jeter à la mer qui se chargera de les lui livrer. La légende possède une part de vérité puisqu'une bonne partie des ballots de résine de cannabis largués, à la vue des gardes-côtes, par les Gofast des narcotrafiquants dérivent des côtes ibériques en direction du périmètre de Malousse et Ouardania. Bensenouci Bouziane, un proche de la zaouia et contrairement à d'autres, conteste cette version, soutenant qu'effectivement des bateaux espagnols en direction d'Oran où ils devaient livrer du bois, s'étaient mis à l'abri du mauvais temps dans les environs. Contre de la livraison de nourritures, le cheikh obtint d'eux, en échange, un lot de planches. Question faribole enfin, il y a l'histoire de Seghir, l'ermite naturiste. On le trouve par delà le djebel Tanji, hors de tout chemin entre la zaouïa et la mer. Ne croyez pas surtout tout ce qu'on raconte à son propos, parole de Khaled et de ses copains de Sidi Rahmoun, que nous avons pris en auto-stop de la plage à leur village, à une dizaine de kilomètres de là. Seghir n'est pas farouche du tout et accepte les visites. D'ailleurs, c'est ainsi qu'il obtient à manger, les gens du coin, lui ramenant de temps à autres de la nourriture. Il est vrai que si on le surprend dans sa grotte dans le plus simple appareil, il ne se dérangera pas pour se couvrir, mais le vendredi, jour où il reçoit des ziarate, il a la politesse de s'habiller d'autant que des femmes viennent aussi. Ce sans-famille adore particulièrement le couscous sans sauce qu'il fait passer avec du lait. Alors quand on vous dira Oulhaça, penser baignade sans oublier l'histoire, la légende et les saints.



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