Algérie

Vieille courbe



Il y a bien longtemps que la courbe a été tracée, et, croyons-nous, elle a toujours été suivie de près, du moins dans les sphères de ceux qui sont à l’écoute de la poésie et des poètes. En effet, le processus de traduction est resté le même depuis l’époque de Bayt El-Hikma au IXe siècle, à Baghdad. Même si les regards des passeurs de belles choses étaient alors braqués sur la Grèce classique, celle d’Aristote, de Platon, de Galien et de tant d’autres hommes illustres de la pensée humaine, et même si tous les traducteurs, convoqués à grand renfort sous la gouvernance du calife Al-Mamoun, n’avaient pas la maîtrise de la langue grecque, on se mettait quand même à traduire à partir du syriaque, de l’hébreu, du pehlevi et même de l’hindou, tant il était urgent et pressant de savoir ce qui se faisait ailleurs dans les différentes disciplines scientifiques et philosophiques.
Eh bien, cette courbe semble être suivie, aujourd’hui, par Omar Azerradj, poète, journaliste et philosophe algérien ayant fait ses études à Londres et ayant séjourné durant un quart de siècle dans cette ville. Azerradj vient, en effet, de traduire en langue arabe, 49 poèmes de l’anglais, dont les auteurs appartiennent non seulement à des horizons différents, mais écrivent (ou écrivaient) dans des langues différentes. Car, pour lui, il s’est agi avant tout dans Clefs pour l’infini, d’établir une profonde relation avec la poésie d’une manière générale, en ce sens que la traduction est, comme il le précise dans son introduction, un «acte d’amitié» avec les autres cultures. Belle définition, n’est-ce pas '
Ainsi donc, Federico Garcia Llorca, l’Espagnol ; Pablo Neruda, le Chilien ; Yevgeni Yevtushenko, le Russe ; Visllava Shimborska, la Polonaise, René Char, le Français, déjà passés en langue anglaise, ont pris leur chemin vers la langue arabe sous la plume d’Azerradj. Qu’est-ce qui a bien pu réunir dans cette entreprise ces belles plumes aux trajectoires et aux écritures bien différentes ' Eh bien, tout simplement, cette recherche d’une «certaine intimité» avec les autres poètes de par le monde.
Ce faisant, Azerradj, comme tout véritable poète, reste attentif à tout ce qui touche à sa propre personne, et donc, à l’infini, dès lors que celui-ci, en tant que tel, existe avant tout dans chaque être humain avant d’être étendue et espace.
La poésie garde -t-elle sa première fraîcheur si elle est traduite d’une deuxième langue, autre que celle d’origine ' Nous croyons que oui, même si Azerradj a passé outre cette loi dont les tenants n’ont cessé d’affirmer que «la poésie est cette chose qui ne passe pas d’une langue vers une autre». Il y a lieu donc d’accorder crédit au traducteur-poète, tout d’abord par le choix judicieux des textes, par sa maîtrise émérite de la langue anglaise et, bien sûr, par le fait qu’il est poète avant tout.
Bienvenue donc à cette «vieille courbe» qui refait surface dans la littérature arabe contemporaine à travers des œuvres ou des auteurs actuels. Le tout, comme le soutient Omar Azerradj dans sa petite préface, réside dans cette relation amoureuse avec les autres cultures par le truchement de la poésie, et de la traduction en premier lieu.
L’infini n’a jamais été aussi près que dans la poésie. Pour cela, il suffirait d’aller le quérir en soi et un peu partout, quitte à transgresser certaines lois édictées par les théoriciens en «traductologie».
toyour1@yahoo.fr
 
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