Algérie

Victimes du 17 octobre 1961 L'hommage de la délégation algérienne aux JO


Victimes du 17 octobre 1961 L'hommage de la délégation algérienne aux JO
Publié le 28.07.2024 dans le Quotidien l’Expression

Comme Makhloufi, Zitouni et Bentifour, Nemour, Triki et Sedjati... porteront haut la voix de l'Algérie en déclamant Kassaman...
Ils ne seront jamais oubliés.
Dépolluée mais pas «lavée» de ses crimes! La Seine, ce fleuve majestueux qui serpente à travers le coeur de Paris, a été choisie comme cadre pour l'ouverture des Jeux olympiques de 2024. Cependant, pour nous, Algériens, ce lieu ne sera jamais un simple décor de festivités. Elle est gravée dans la mémoire collective comme le théâtre d'un crime abominable, une «scène» de l'histoire où l'Empire colonial français a laissé une tache indélébile de sang et de souffrance. Le 17 octobre 1961, plus de 200 de nos aînés, manifestant pacifiquement, ont été massacrés et jetés dans cette rivière. Ce jour-là, la Seine est devenue un fleuve de douleur, une cicatrice ouverte sur l'âme algérienne.
Lorsque notre délégation participante aux JO est arrivée à Paris, leurs coeurs battaient d'une émotion mêlée de fierté et de tristesse. Vêtus de costumes traditionnels, symboles de notre riche héritage culturel, les descendants de Hassiba Ben Bouali et du colonel Amirouche ont marché avec une dignité silencieuse. Leurs voix se sont élevées dans le ciel de Paris, entonnant «Tahia El Djazair» avec une ferveur qui transcendait le temps et l'espace. C'était bien plus qu'un chant patriotique, c'était un cri du coeur, un hommage vibrant à nos glorieux martyrs.
À bord d'une pirogue, la délégation a marqué un arrêt symbolique sur la Seine. Ce n'était pas un simple geste, mais un retour poignant à ce 17 octobre 1961, une plongée dans les eaux troubles de l'Histoire. Le silence pesant a été brisé par les cris passionnés d'un membre de la délégation: «Ce geste est un hommage aux martyrs du 17 octobre 1961. Vive l'Algérie, vive l'Algérie, vive l'Algérie». Les autres ont repris en choeur, leurs voix résonnant comme un écho du passé: «Tahia El Djazair, Tahia El Djazair».

Une vague d'émotion...
Ensemble, ils ont jeté des roses dans la rivière, chaque fleur une prière, chaque pétale un souvenir de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté. La Seine, recouverte de ces roses, est devenue un tableau vivant de mémoire, rappelant au monde entier la brutalité et l'injustice de cette nuit tragique. Les spectateurs, qu'ils soient présents sur les rives ou devant leurs écrans, ont été submergés par une vague d'émotion indescriptible. Les larmes coulaient, mêlant douleur et fierté. C'était un moment de communion, un instant où le passé et le présent se rejoignaient dans une étreinte silencieuse. On pouvait lire la fierté et l'émoi sur le visage de ces jeunes athlètes.
Par ce geste symbolique, ils montraient qu'ils n'étaient pas seulement des sportifs, mais les héritiers d'une lutte, les gardiens d'une mémoire. Le souvenir des ancêtres qui avaient utilisé le sport comme une arme pour faire connaître la cause algérienne et libérer leur patrie du joug colonial était omniprésent. Comme l'équipe du FLN et ses légendes telles que Makhloufi, Zitouni, Bentifour et leurs compagnons, c'est aujourd'hui le tour des jeunes comme Nemour, Triki et Sedjati de lever haut la voix de l'Algérie. En criant Kassaman sur les toits de Paris, ils réaffirment leur engagement à perpétuer l'esprit de résistance et de fierté nationales. Ils ne visent pas seulement à remporter des médailles, mais à honorer la mémoire de ceux qui ont ouvert la voie par leur sacrifice.
La nouvelle génération d'Algériens n'oublie pas les sacrifices de leurs glorieux martyrs. Ils pardonnent, mais ils n'oublient pas!

L'âme des chouhada plane sur les JO
Comment pourrait-on oublier le sacrifice d'un million et demi de martyrs? Comment pourrait-on effacer de la mémoire collective la répression sanglante et meurtrière subie par des jeunes de l'âge de ces sportifs, commise sous l'autorité du préfet de police de l'époque, Maurice Papon? La Seine sera à jamais marquée par leur sang, un rappel constant de l'injustice et de la brutalité de cette époque. Les récits de cette journée cauchemardesque sont glaçants. Mohamed Ghafir, alias Moh Clichy, témoin vivant de ce drame, a décrit noir sur blanc cette journée apocalyptique pour honorer la mémoire de ses camarades tombés en martyrs pour une Algérie indépendante. Ses mots sont un testament de douleur et de résilience, un pont entre le passé et le présent. Il est crucial que cela reste gravé dans l'Histoire, pour que les générations futures sachent ce qu'il s'est réellement passé et puissent porter la mémoire de leurs ancêtres avec dignité et respect. Du côté français, des avancées ont été faites concernant ce crime longtemps impuni.
Le 28 mars 2024, l'Assemblée nationale française a approuvé une proposition condamnant le massacre d'octobre 1961. En 2012, le président François Hollande avait rendu hommage aux victimes d'une sanglante répression, et son successeur Emmanuel Macron avait déclaré en 2021 que les crimes commis le 17 octobre 1961 sous l'autorité de Maurice Papon étaient inexcusables pour la République. Ces reconnaissances officielles sont importantes, mais elles ne peuvent effacer la douleur et la mémoire des évènements. Aujourd'hui, ces athlètes, dont certains sont nés en France, sont venus rappeler cette réalité. L'âme de ces victimes et de tous les martyrs de l'Algérie planent ainsi sur ces Jeux olympiques...

Walid AÏT SAÏD

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