Algérie

Victime de son chant Le chardonneret risque de disparaître



Victime de son chant Le chardonneret risque de disparaître
Publié le 04.03.2024 dans le Quotidien l’Expression

Le chardonneret élégant, alias «El Meknine Ezzine» peine à trouver la sérénité en Algérie, où il perd du terrain. Le fait est signalé par les spécialistes. Face à la prédation, soit la chasse et le braconnage, le passereau se cache pour survivre. Il fuit les grands espaces sauvages pour se réfugier dans des terrains privés. C'est ce que révèle le professeur Attoussi Sadek, de l'université de Guelma, dans une étude, menée dans la forêt de Maouna, qui fait ressortir les dégâts qu'occasionne le commerce illégal des chardonnerets dans notre pays, son ampleur et son impact sur les populations sauvages de ces oiseaux.

Selon cette même étude, le nombre de chardonnerets encagés en Algérie est de 6 millions d'individus. Soit un nombre largement supérieur à celui des chardonnerets en liberté! Très appréciés pour leurs couleurs vives et leur gazouillis, ces derniers sont au centre d'un trafic juteux et le chiffre d'affaires qu'il génère serait astronomique. L'oiseau rare est souvent détourné vers les pays voisins dont la Tunisie et la Libye, indique-t-on par ailleurs. À l'est du pays, sa disparition est évidente.

À Alger, le «Meknine» de son petit nom algérois, peuplait, jadis, parcs, vergers, maquis et autres forêts riveraines. Il constellait particulièrement le long des cours d'eau, des plans et des sources d'eau, lesquels étaient abondants dans le Grand Alger. «Le tarissement de ces derniers du fait de l'urbanisation a mené à la destruction de l'habitat naturel de ces créatures qui ont finalement été contraintes à l'exil» relève pour sa part le professeur Hammadi, de l'université de BabEzzouar, en ajoutant que la chasse excessive a fini par quasiment anéantir l'espèce dans la capitale, surtout que cette chasse était émaillée par des rites barbares comme le massacre des femelles après la capture du mâle, au prétexte fallacieux que la femelle ne niche pas en captivité.

Répertoire riche et mélodieux

À l'en croire, la période allant de 1990 à 2016 a connu une régression accrue de la population des chardonnerets à Alger. Toutefois, et à l'instar de nombreux autres de ses confrères, le professeur Hammadi affirme que l'espoir est permis quant à la possibilité de réintroduire le chardonneret élégant dans les territoires qui étaient les siens, à une certaine époque. «À Alger nous pouvons très bien réhabiliter l'espèce. C'est l'occasion ou jamais de restaurer cette dernière au niveau des sites traditionnels, où, le chardonneret élégant peut s'installer. Il suffit de réunir les conditions adéquates pour ce faire» fait -il savoir en évoquant l'expérience réussie d'un élevage en captivité, lequel a été couronné par un lâcher d'oiseaux et le suivi de ces derniers au Parc zoologique de Ben Aknoun. Aussi, appelle-t-il à dupliquer ce type d'initiative à l'échelle de tout le territoire national, particulièrement au niveau des maisons de jeunes, tout en menant en parallèle une large campagne de sensibilisation et d'éducation à la préservation de ces passériformes au répertoire riche et mélodieux. Les membres de l'association ornithologique algéroise, très active et qui milite pour la protection des oiseaux indigènes et en voie de disparition, dénoncent le «commerce de la honte» des chardonnerets élégants. Ils préconisent pour leur part la reproduction en cage pour reconstituer les contingents de chardonnerets. «Nous travaillons pour éduquer à la reproduction en cage» disent-ils tout en brandissant le slogan; «Zéro oiseaux sauvages en cage!». M Moulai, président du Conseil scientifique du jardin d'Essai du Hamma, Alger, et professeur à l'université de Béjaïa, appuie cette stratégie. Spécialisé dans la faune sauvage, il affirme que le statut de conservation du chardonneret élégant «est très menacé en Algérie». Il rappelle que cette espèce, bien que protégée par la réglementation algérienne, est hautement menacée par le braconnage intensif. «Les maknines en liberté se comptent sur les doigts d'une seule main, ils sont estimés à quelques milliers seulement» note-t-il en faisant le parallèle avec les six millions de chardonnerets recensés dans les cages des particuliers en Algérie. «Contrairement à ce qui est constaté dans les pays européens comme l'Espagne, la France, l'Italie, l'Europe centrale et l' Europe de l'Est, où, la population des chardonnerets jouit d'un mode de conservation favorable, l'espèce est en voie de disparition en Afrique du Nord, particulièrement l'Algérie, du fait du braconnage», assène-t-il en invitant le législateur algérien à «s'adapte à la nouvelle donne qui fait ressortir que l'espèce des chardonnerets a presque disparu à l'état sauvage dans notre pays, une disparition favorisée par l'urbanisation galopante et l'agriculture intensive qui vient à bout des terrains en friche, biotope du chardonneret».

Joyaux botaniques

Et d'enchaîner: «Il est temps de classer le chardonneret comme espèce menacée et de durcir en conséquence la législation afin de mieux le protéger. Seul un arsenal juridique très contraignant permettra de repeupler nos contrées en chardonnerets sur le très long cours. L'autre alternative que préconise M Moulai serait de recourir aux services des propriétaires de chardonnerets en cage, et auprès desquels il serait possible d'acheter ces oiseaux pour les réintroduire dans la nature. La priorité est «d'arrêter le massacre» en luttant contre la chasse du chardonneret à des fins commerciales. Nous apprenons de même source que le trafic des chardonnerets aux frontières ouest est particulièrement florissant. Le circuit de ce commerce illicite de cette espèce protégée a pour tracé: L'Espagne, le Maroc pour atteindre l'Algérie.

Le jardin d'Essais du Hamma, à Alger, abrite la célébration de la journée mondiale du chardonneret, célébrée le 1er mars de chaque année. La directrice de cet espace, Kenza Benmenni, indique à l'occasion: «Nous célébrons cette journée du chardonneret au moment, où, Alger, accueille le Sommet des pays exportateurs de gaz. Nous avons tenu à animer, sous les directives de Monsieur le Wali d'Alger, Abdenour Rabhi, ce joyau botanique de la capitale et ce afin de donner la meilleure image de notre jardin, où, en parallèle à la journée d'étude sur le chardonneret, nous avons programmé un atelier de dessin pour les enfants, avec pour thème le chardonneret», elle informe également de l'organisation d'une exposition d'artisanat, tout en mettant en avant la vocation première du jardin d'Essai laquelle consiste en la sensibilisation à la protection et au respect de l'environnement. Rappelons que la même responsable a eu, récemment, à citer des actions en cours comme la numérisation, la coopération internationale pour protéger certaines plantes ou des espèces animales en voie d'extinction. «Nous avons réhabilité les allées du jardin et restauré des statues et oeuvres artistiques qui ornent cet espace, où, la culture environnementale et la passion de la nature se croisent. Nous veillons à redynamiser le jardin du Hamma et à le rendre davantage accessible à toute la population algérienne», souligne-t-elle.

Salim BENALIA



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