L'un des membres actifs de ce qu'on avait, dans les années 90, appelé
«les janviéristes», c'est-à-dire les politiques et
les généraux qui avaient interrompu le processus électoral, le général de corps
d'armée Mohamed Lamari est décédé hier lundi, à son
domicile à Bordj Ben Azzouz, (40 km au sud-ouest de la
wilaya de Biskra), à l'âge de 73 ans, à la suite d'un arrêt cardiaque. Le
général Lamari est né en 1939 à El Biar, à Alger.
En 2004, au summum de sa puissance, il a utilisé une formule alambiquée
pour signifier son départ définitif de l'institution militaire. Officiellement,
il a démissionné pour raisons de santé.
Son absence lors de la visite en juillet 2004 à Alger de Michèle-Alliot Marie, alors ministre de la Défense, avait intrigué
plus d'un. Un mois plus tard, ce qui n'était qu'une rumeur se confirme: le
général de corps d'armée Mohamed Lamari, chef d'Etat
major, remet sa démission au chef de l'Etat qui l'accepte. Fin d'une longue
mission au sein de l'institution militaire qu'il a servie durant toute sa vie. Ancien
officier de l'Armée de libération nationale (ALN), il avait présidé à la mise
en place d'une force antiterroriste forte de 15 000 hommes, à l'époque du
défunt président Mohamed Boudiaf. Avec le Général Khaled Nezzar,
il dirigera en fait une implacable lutte contre le terrorisme, même s'il
reconnaît, deux années avant son départ de l'ANP, qu'il était pour la
récupération des jeunes aveuglés par les chefs terroristes. Chef de l'Etat
Major de l'ANP depuis 1993, il était également, après Nezzar,
le grand patron de l'institution militaire, après une promotion que lui a
accordée Liamine Zeroual, président de la république et ministre de Défense
nationale. Mohamed Lamari, un militaire de carrière, a
par ailleurs fait un passage par l'académie militaire de Moscou où il a obtenu
un diplôme. Au sein de l'ANP, il avait assuré différents postes de commandement,
dont celui de chef d'état-major de régions militaires de 1970 à 76, Commandant
de brigades mécanisées jusqu'en 1982, Chef de département des opérations de l'état-major
de l'ANP jusqu'en 1988, et Commandant de la 5ème région militaire (Constantine)
jusqu'en 1989. Il avait également assumé le commandement des forces terrestres
jusqu'en 1992, année durant laquelle il avait été promu au grade de Général-Major pour occuper le poste de Conseiller auprès du
ministre de la Défense
nationale jusqu'en 1993, et celui de Chef d'état-major de l'ANP.
C'est dans ces moments-là qu'il avait été chargé de la lutte
antiterroriste. C'est, sur le plan de l'ouverture de l'institution militaire, le
plus haut gradé de l'ANP qui avait levé les tabous de la communication et
ouvert les portes de l'armée à la presse nationale. Ses envolées dans ce
domaine sont très caustiques, comme lorsqu'il avait exhibé sa fiche de paie
devant des journalistes ébahis pour décrier le fait qu'il touchait, ainsi que
les généraux, des salaires mirobolants.
ENIGMATIQUE FICHE DE PAIE
En nommant un journal arabophone, il lancera "mais c'est vous qui
aviez écrit que je touchais un salaire de 25 millions de centimes''. C'est en
ces termes qu'il avait mis un terme aux supputations sur son salaire, lors d'une
conférence de presse le 2 juillet 2002 au siège de l'AMIA
(académie interarmes de Cherchell). Sur son salaire de chef d'état-major, le
général Lamari indiquera, en exhibant
son solde, qu'il
est "le plus haut gradé de l'armée et je touche 98.946,94 DA. Je vous
invite au MDN et vous aurez les salaires du simple soldat au général'', a-t-il
dit lors de cette conférence de presse. Il ajoutera que ''certaines
imprécisions peuvent porter atteinte à la dignité des individus. Ma femme
risque de ne pas me faire confiance, croyant que les autres 16 millions vont
ailleurs. Pour une autre femme peut-être ?"
Lamari reste également dans l'histoire de l'ANP comme l'un des officiers qui
ont le plus combattu le terrorisme. Sur cette lutte, il estime que «l'équation
est celle-ci : le terrorisme est vaincu mais l'intégrisme est intact. Ce
dernier fabrique encore des terroristes. La lutte doit être globale et
concerner tout le monde (services de sécurité, population et gouvernement). J'ai
toujours dit, depuis 1992, que le bâton à lui seul ne résoudra pas le problème.»
Il a, par ailleurs, éludé à sa manière certaines interrogations de l'opinion
nationale, comme celle sur le fameux ''cabinet noir'' qui serait le seul
dépositaire du pouvoir réel en Algérie. "Il n'y a pas de cabinet noir, rose
ou jaune. Même si un président est élu, comme Zeroual, il est président dans
tout le monde sauf en Algérie où il demeure général". Il précisera, énigmatique:
«en 1992, nous avons ouvert une brèche dans un cercle qu'on a refermé avec les
élections de 1999». Et, excepté les missions constitutionnelles de l'armée, «tout
le reste n'est que mensonges». Et, deux ans avant sa retraite, il dira sur un
ton prémonitoire: «Je n'ai pas de prétention. Je peux partir dans une semaine, six
mois ou trois ans. Ma décision n'est pas prise même si j'avoue : Barakat. Même le fer s'use et j'ai bien envie de profiter
de mes enfants et mes petits-enfants.»
Le défunt Mohamed Lamari sera inhumé aujourd'hui
au cimetière de Ben Aknoun Alger, selon sa famille.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 14/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com