Algérie

Vibrant hommage à la femme



À travers ce roman, Mohammed Bouamra, un ancien enseignant de langue française, a voulu rendre un hommage à la femme kabyle, voire à la femme en général, pour son abnégation, sa servitude et sa soumission, au sens noble du terme, pour la famille.C'est l'histoire, réelle selon l'auteur, d'un homme vivant dans un village en Kabylie durant les années 1940. La vie dure caractérisée par la pauvreté, le manque de postes d'emploi, voire la déchéance la plus totale, rendaient le quotidien des habitants de plus en plus difficile dans un pays subissant l'hégémonie et l'oppression du colonisateur français.
Le travail de la terre était la seule ressource nourricière de nombreuses familles dans les différentes contrées du pays. Quand ce bien n'est pas confisqué par le colon français, bien entendu. Les récoltes étaient souvent mi-figue, mi-raisin, voire maigres et infimes, jetant ainsi les familles dans une indigence insoutenable.
Cette situation de dénuement impitoyable a rendu impuissants d'innombrables pères de famille. Ne pouvant supporter cette... humiliation devant leurs progénitures, ils ont, pour la plupart, décidé d'aller ailleurs à la recherche d'un travail rémunérateur et envoyer de l'argent afin de nourrir ces bouches affamées, au grand dam de ces mères qui se retrouvaient, à brûle-pourpoint, seules face à des responsabilités qu'elles n'avaient aucunement prévues et qu'elles devaient assumer malgré elles.
Mohammed Bouamra cite dans son livre le cas de Saïd Larbi, un homme la trentaine révolue, père de deux enfants, avec ses parents et sa femme Kheloudja à sa charge, de la localité de Beni Zidane, qui décida un jour de traverser la Méditerranée non pas en "harag" (migrant clandestin) à bord de "pateras" ("boutti" en arabe algérien), cette embarcation de fortune, tel que le font actuellement nos jeunes, mais plutôt en possession de tous les papiers requis pour un tel voyage, à savoir une carte d'identité et un billet de bateau en bonne et due forme.
Direction la France, destination privilégiée des Algériens. Ses parents ainsi que sa femme étaient contre cette résolution aux multiples inconnues et aux conséquences douloureuses. Au moment même du départ, l'auteur décrit d'ores et déjà le chagrin et l'amertume ressentis par l'épouse qui appréhendait un aller sans retour de son mari, un abandon déchirant de sa part.
Car elle était persuadée que sa moitié sera enivrée, entichée par la vie hexagonale au point d'oublier les siens. Saïd quitta les lieux sans prononcer un traître mot réconfortant ou la moindre parole rassurante pour sa femme.
C'est à partir de cet instant fatidique que commencent en réalité les déboires de cette maman qui se sent désormais esseulée et affaiblie face aux lourdes et interminables tâches qui l'attendent.
Le saut vers l'inconnu débute sans qu'elle s'y prépare préalablement. Elle s'attend à un avenir sombre ; elle qui doit prendre en charge à la fois ses beaux-parents, son beau-frère ainsi que ses enfants.
À l'instar de l'écrasante majorité des femmes kabyles de l'époque, Kheloudja se retroussa les manches et décida de se sacrifier corps et âme pour sa famille dont elle devint la cheville ouvrière sur laquelle s'appuyèrent tous les membres et la colonne vertébrale qui assura l'équilibre et la protection de la demeure des Nath Larbi contre tous périls.
Après plus de deux décennies vécues en France, pleines de joie de vivre, de découvertes, de sorties nocturnes dans les quartiers les plus huppés de Paris, de soirées mondaines, Saïd était contraint de s'extirper de ce monde qui l'a adopté et auquel il s'est adapté.
Il a même fondé un deuxième foyer, égayé par deux garçons et une petite fille, avec une Française d'origine polonaise prénommée Tania. Le fait de ne jamais se sentir français et après avoir dénoncé les événements du 17 octobre 1961, affiché son soutien pour la révolution algérienne et sa fierté de ses origines, sa femme et ses deux enfants le rejetèrent d'une manière froide et indigne avec un mépris des plus exécrables.
Une version en tamazight
Il décida alors de rentrer au pays dans l'espoir de reprendre sa place au sein de son ancienne famille. Il repartit mais ne cacha guère sa crainte d'être refoulé également par les Nath Larbi avec lesquels il s'est séparé de longues années durant.
C'était sans compter sur la mansuétude et la magnanimité de sa première femme Kheloudja et de ses deux garçons Ali et Hamid. "La femme kabyle ne renie jamais son homme comme un vulgaire animal", atteste l'auteur, reprenant l'aveu de Da Khelifa, un des amis de Saïd, qu'il a connu en France.
Il faut noter que le roman de Mohammed Bouamra a été traduit du français vers la langue amazighe de main de maître par Hacène Azzegagh, un jeune ciseleur de mots, sous le regard bienveillant de sa maman, une poétesse gratifiée par le Bon Dieu de ce don qu'elle partage en toute munificence avec son entourage.
Cette dame a le "vers" et le verbe faciles. Tout événement sensible crée et nourrit en elle une inspiration qui précède un poème, une prose, rédigés aussitôt sur son propre carnet. Sa personnalité...rime avec cette vocation et cette propension à "poétiser" de manière instantanée son quotidien.
La version en tamazight châtié de l'ouvrage, faut-il le reconnaître, a ajouté plus d'authenticité et d'originalité à cette histoire. En lisant le livre en tamazight, le lecteur se retrempe dans l'ambiance splendide des villages de Kabylie et replonge dans les souvenirs du patelin natal, thadarth... Mais l'auteur, lui, rappelle surtout le dévouement de la femme kabyle à qui l'on doit louer tous les sacrifices qu'elle a consentis...

B. K.


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