Algérie

Vendre le CPA ou acheter la BNP ?



C'est une grosse affaire qui date de deux semaines seulement. Elle a été pourtant oubliée : la privatisation du CPA. L'opération de privatisation du CPA a été reportée à la dernière minute, à la veille de la visite du Président Nicolas Sarkozy à Alger. Si les véritables raisons de la décision restent entourées de mystère, par contre, aucun analyste n'a pris au sérieux les raisons officielles invoquées par le ministère des Finances. Les implications de la décision elle-même ont été elles aussi peu évoquées. Pendant que les uns se félicitaient du maintien sous contrôle national de la plus grande banque du pays, d'autres préféraient insister sur le manque de crédibilité des institutions algériennes, ou le manque à gagner résultant de la décision d'annulation. Cette décision de surseoir à la vente de la moitié du capital du CPA ne date que de deux semaines. Elle a été pourtant été balayée par l'actualité, avec notamment l'organisation des élections locales, la visite de Nicolas Sarkozy et la polémique qui l'a entourée, et la nouvelle tragédie de mardi 11 décembre. Elle apparaît désormais comme une affaire pliée, oubliée. Jusqu'à ce que l'actualité la remette de nouveau sur la scène. Car, officiellement, il s'agit d'un simple report, non d'une annulation. Ce sursis sera-t-il mis à profit pour examiner sérieusement des décisions aussi importantes, et agir pour le mieux, dans l'intérêt de la communauté nationale ? Rien, pour le moment, ne permet de l'affirmer. Pourtant, il suffirait de poser des questions primaires pour amener ceux qui prennent les décisions à tenter d'apporter de vraies réponses à des questions graves. Et tout d'abord, une question de bon sens : pourquoi vendre le CPA ? Le pays a-t-il besoin d'argent ? Non. Il a même trop d'argent et il ne sait pas quoi en faire. Le CPA est-il un fardeau pour le pays ? Non, car la banque réalise des bénéfices substantiels et dispose d'une marge de progression énorme. En réalité, il s'agit de ce qu'on appelle en Algérie une décision « politique », c'est-à-dire une décision sans queue ni tête, n'ayant ni fondement économique ni motivation politique réelle. Cela ne signifie nullement que le statu quo dans la gestion des banques est souhaitable. Bien au contraire, tous les experts admettent que ce système, dans son fonctionnement actuel, est devenu un handicap pour l'économie du pays. Il est nécessaire de lui apprendre à devenir performant, à la fois pour consolider sa place et pour contribuer au développement de l'économie du pays. La performance recherchée peut être obtenue pas différentes formules. En premier lieu, en permettant aux banques de devenir des... banques, et non de simples guichets au service de la bureaucratie, agissant sur injonctions transmises par téléphone. Un expert algérien prône une cession d'une partie du capital du CPA à une banque étrangère, gratuitement, à charge pour le partenaire étranger d'avoir son seul savoir-faire. Cela permettrait de garder la banque et de la rendre performante. « De toutes les façons, dit-il, vendre une partie du capital du CPA n'apportera rien au pays, sinon offrir des liquidités supplémentaires qui seront gaspillées. Autant les garder dans le capital du CPA », dit-il. Un autre spécialiste refuse de limiter le débat au seul CPA. « Il faut savoir ce qu'on veut, c'est-à-dire un système financier solide et efficace. Cela suppose des banques publiques algériennes efficaces, des banques privées algériennes crédibles, des banques mixtes et des banques étrangères. Il faut définir une démarche cohérente pour obtenir ce résultat sur un délai raisonnable, cinq ans par exemple », dit-il. Mais au-delà des banques elles-mêmes, c'est toute la richesse financière du pays qui se trouve, aujourd'hui, au centre du débat. Que faut-il en faire ? Vendre le CPA, sous prétexte qu'il n'est pas performant, puis d'autres établissements, et attendre que les banques étrangères prennent complètement en main l'économie du pays ? La question se pose avec acuité. « Elle impose une multitude de réponses complexes », affirme un ancien responsable d'établissement financier, qui note que « l'Algérie fait des discours sur la réforme bancaire pendant que, sur le terrain, la situation continue de se dégrader ». Pour lui, « il y a plus d'actions à mener dans l'environnement bancaire qu'au sein des banques elles-mêmes ». « Au sein des banques, il manque l'expertise, qui a été perdue. Mais cela reste secondaire, car on peut toujours l'acquérir. Par contre, c'est la décision politique qui pose problème », dit-il. C'est sur ce terrain en effet que se situe la défaillance centrale. Au lieu de vendre le CPA, il propose une autre démarche : créer des fonds d'investissements, qui utiliseraient au mieux les réserves financières du pays, en achetant des parts d'entreprises dans les secteurs rentables, mais aussi dans les secteurs qui intéressent l'Algérie. Ainsi, ces fonds pourraient acheter des parts de BNP Paribas qui entrerait alors dans le capital du CPA. On aura alors gagné sur toute la ligne. Alors, vendre le CPA ou acheter la BNP ? La réponse paraît facile. Elle a un prix très précis : c'est le prix d'un choix politique.


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