Algérie

Valeurs morales contre style de pouvoir



Valeurs morales contre style de pouvoir
Si les sondages ont dit vrai, la victoire de la gauche n'aura eu pour père que l'attachement au socle des valeurs républicaines d'une majorité de l'électorat français. Malmenées, foulées au pied, instrumentalisées et rabaissées jusqu'aux plus vils instincts xénophobes par le président sortant, ce sont ces valeurs qui auront servi de variable d'ajustement à l'élection présidentielle d'hier, quand Nicolas Sarkozy avait cru trouver dans l'immigration maghrébine et africaine un idéal défouloir populiste. Avec la recomposition, annoncée dans tous les cas de figure, du champ politique français, la défaite, elle aussi, n'a pas besoin d'être longtemps en recherche de paternité. On comprend alors que cette énergie du désespoir, qui a fait tressauter et frétiller jusqu'à la dernière minute le candidat de la droite et une partie des électeurs de l'extrême droite, avait certes pour but de démentir les sondages, unanimes dans leur pronostic de victoire de François Hollande. Mais pas seulement.Sentant plus sa défaite que sa victoire, le très controversé président sortant n'a pas désespéré, jusqu'à l'ultime seconde, de sortir vainqueur du scrutin, ne fut-ce que d'une très courte tête. A un moment où trop de «petites musiques» se faisaient entendre dans son propre camp, en particulier chez ceux qui se réclament encore d'une filiation gaullienne, une victoire diminuée lui aurait servi d'argumentaire contre ceux de ses «amis» qui lui reprochaient d'avoir franchi le Rubicon dans sa quête effrénée des voix du Front National. On l'entendrait alors leur reprocher de l'avoir bridé dans son offensive contre les Maghrébins, les Africains et les musulmans, car à ses yeux il lui aurait fallu aller au bout de cette stratégie du rejet de l'étranger non chrétien, de l'anathème et de la diabolisation pour espérer un score plus honorable. A contrario, si c'est Hollande qui passe avec un même ordre de grandeur, il camperait le même beau rôle en s'attribuant le mérite du score minoré du candidat socialiste. Dans un cas comme dans l'autre, il espère préserver son dos des banderilles de sa famille politique et, surtout, échapper au déshonneur qui risque de s'abattre sur lui pour avoir visé la victoire au prix du reniement et de la division des Français. Mais hier, la messe était dite, car aucune sortie ne pouvait être honorable pour lui, ni la victoire ni la défaite. En optant pour les pires angles d'attaque lors d'une interminable campagne électorale qui a duré en réalité deux ou trois bonnes années, l'ami des banquiers et des patrons du CAC 40 a bousculé les usages d'une certaine bienséance élyséenne et s'est installé dans des postures et un style qui, manifestement, n'ont pas séduit la majorité des Français, y compris chez ceux d'entre eux qui lui ont accordé leur suffrage. Aveuglé par une ambition démesurée qui l'a éloigné des valeurs et de l'éthique qui déterminent encore le comportement de beaucoup de français, le président «bling bling» a oublié jusqu'aux aspects positifs de son quinquennat, vécu en grande partie dans la tourmente d'une grave crise financière qui, depuis 2008, a emporté pas moins d'une dizaine de dirigeants politiques européens.C'est un fait indéniable, en effet, qu'en optant pour une riposte keynésienne, plus proche d'un dirigisme de gauche que de l'ultralibéralisme de droite, il a réussi à mettre la France à l'abri d'une récession brutale, à préserver plus ou moins le niveau de vie de ses concitoyens et, cerise sur le gâteau, à sauver le modèle social français. Revers de la médaille, il s'est révélé plutôt velléitaire dans ses propositions auprès de ses pairs de l'Union Européenne et du G8 et du G20 pour moraliser le capitalisme financier, de plus en plus outrancier et menaçant pour l'économie mondiale. Face à la chancelière allemande, inflexible et droite dans ses bottes, il s'est mis dans la position du suiveur et de l'inféodé. Tant que la croissance et les exportations assurent de beaux jours à l'économie de son pays, d'ailleurs au détriment des autres Etats de l'Union qui, tous, affichent une balance commerciale déficitaire avec l'Allemagne, Angela Merkel s'était montrée intraitable et inflexible pour toute modification des traités qui enfoncent dans la crise ses voisins. Il aura fallu le programme de François Hollande et sa volonté de réviser en priorité le traité européen de rigueur budgétaire pour qu'enfin cette autre «dame de fer» se mette à parler de croissance européenne, un mot qui avait été éliminé jusque-là de son vocabulaire. Au fur et à mesure que le candidat socialiste avançait dans les sondages, de nombreux autres dirigeants européens, pourtant de droite, se sont à leur tour aventurés, quoique timidement, à s'insurger contre le diktat allemand et cet axe appelé «Merkozy». Les chefs de gouvernement espagnol, italien et grec, pour ne citer que ceux-là, s'affranchissent de leur appartenance droitière et rêvent de l'arrivée de Hollande à l'Elysée. Sarkozy, au lieu, de privilégier cet axe pour sa campagne électorale, a pensé à tort qu'il pouvait être plus productif pour lui d'ostraciser plus que jamais les noirs et les bougnoules.

A. S.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)