Algérie

Vague verte sur l'Egypte


Vague verte sur l'Egypte
Les islamistes sont arrivés en tête dans la plupart des circonscriptions électorales lors de la première phase des élections législatives post-Moubarak, à l’issue du premier tour. Le président de la Haute commission électorale, Abdel Moez Ibrahim, s’est contenté de donner les résultats concernant les indépendants ; mais la victoire des candidats islamistes est confirmée. Cependant, dans de nombreuses circonscriptions, ils devront attendre le second tour pour être départagés.
Un second tour très favorable aux Frères musulmans et à Hizb Al Nour (salafistes) dans beaucoup de circonscriptions, notamment au Caire et à Alexandrie. Les résultats finaux seront connus au lendemain du second tour pour ce qui est des candidats indépendants et à la fin du processus s’agissant des listes des partis. Par ailleurs, le président de la Haute commission électorale a annoncé, hier au Caire, lors d’une conférence de presse en début de soirée, que le taux de participation est de 62%, le plus haut jamais atteint. «Huit millions sur treize millions et demi d’électeurs se sont exprimés lors de cette première étape, qui s’est déroulée dans neuf gouvernorats sur les vingt-sept que compte le pays», a annoncé M. Abdel Al Moez. Le taux de participation à l’étranger, où les Egyptiens votent pour la première fois, est par contre très faible : seuls 150 000 des 8 millions de ressortissants égyptiens se sont exprimés. A l’issue de ce premier tour, des figures progressistes de l’opposition ont été battues, à la surprise générale. C’est le cas du cofondateur du mouvement Kifaya, George Isshak, à Port Saïd, et de la célèbre présentatrice Djamila Ismaïl au Caire. Autre «paradoxe» de cette élection : la victoire du chrétien copte Amine Alexandre, membre dirigeant du parti nassérien El Karama, qui s’est présenté sous la bannière du Parti de la liberté et de la justice. La place Tahrir bat le rappel des troupes Un peu plus tôt dans la journée, la place Tahrir avait battu le rappel des troupes. Ils étaient des dizaines de milliers à battre le pavé sur cette place emblématique de la révolution, dans une démonstration populaire, une façon d’affirmer que la mobilisation ne faiblit pas et que «les élections législatives ne devraient pas servir de légitimité au Conseil suprême des forces armées (CSFA)», comme on pouvait le lire sur une affiche brandie par le camp du Mouvement du 6 avril. Dédiée à la mémoire des martyrs de la révolution, cette énième mobilisation n’a pas dérogé à la règle. Mêmes slogans, mêmes mots d’ordre : «A bat le pouvoir des militaires, pour un transfert rapide du pouvoir pour vers un conseil présidentiel civil.» Non loin de Tahrir, à Al Abassya, une autre manifestation était organisée. Celle-là, qui n’a pas drainé beaucoup de monde, soutenait les militaires. La victoire des islamistes, si elle capte toutes l’attention et suscite des craintes, n’a pas détourné les Egyptiens de Tahrir de leur objectif : «Faire partir le Conseil militaire, juger les commanditaires et les exécutants des martyrs de la révolution, cesser les procès militaires contre les civils et accélérer les procès des Moubarak et des barons de l’ancien régime.» Iness, militante active de l’Alliance des jeunes de la révolution, d’une tribune, invite les manifestants à ne pas se laisser berner par ces élections : «Le Conseil militaire a réussi à entraîner les partis politiques dans une élection dans le but de se doter d’un Parlement complètement inféodé, dès lors que ses prérogatives sont très réduites. Cette élection permet aux militaires de s’offrir une légitimité. Sans la mobilisation permanente, la révolution n’aurait pas atteint ses objectifs», lance-t-elle en direction d’une foule composée essentiellement d’hommes, dont certains barbus. Pour cette figure de la révolution, c’est un autre combat qui commence. Celui de montrer aux islamistes, revigorés par leur victoire électorale, que l’Egypte ne sera pas «en dehors de l’histoire». «Sans doute certains islamistes radicaux vont tenter d’imposer leur conception archaïque de la vie aux Egyptiens, mais qu’ils sachent que nous saurons nous battre pour notre liberté. Ils sont l’une des conséquences du régime despotique de Moubarak qui a dénaturé les mentalités des Egyptiens et de ces wahhabites qui financent des groupes extrémistes islamistes. Nous n’allons pas sacrifier 7000 ans de civilisation et faire de ce pays un désert», tonne-t-elle.Des islamistes rétorquent en tentant de rassurer : «Nous respecterons la différence d’opinion ; nous voulons juste prendre part à la vie politique et sociale de notre pays à notre façon», clame Abdelmoneim, militant de Hizb Enour (salafiste) arrivé en deuxième position. Conviction profonde ou tactique avant la victoire finale ' Les militants du Bloc égyptien disent ne pas leur faire confiance. «Ils feront pire que le régime Moubarak», déclare Imad, un militant de Hizb Tagamou (gauche). Ainsi, un autre combat semble engagé au pays du Nil alors que celui pour le renversement de l’ancien régime n’est pas encore gagné. La crainte des islamistes commence à se faire sentir. Les élections législatives ont isolé le camp progressiste et moderniste. «Nous avons peur que les gens succombent aux sirènes islamistes et que beaucoup d’entre eux se mettent en mode ‘barbe et niqab’ pour être dans l’air du temps», s’inquiète Nahla, une enseignante de langue arabe à l’est du Caire. «Nous ne voulons pas qu’on nous ramène l’islam de l’Arabie Saoudite, nous avons notre islam, ouvert et tolérant», dit-elle. La rumeur de la vente des célèbres cabarets du boulevard El Harem, à l’est du Caire, se répand dans la capitale. «Il paraît qu’une grande chaîne de commerce islamique s’apprête à racheter ces cabarets pour les transformer en boutiques de vêtements», susurre-t-on au Caire. Maher, responsable du théâtre Taliaâ (l’avant-garde), dit ne pas craindre pour l’avenir de la création artistique. «Peut-être que ces islamistes à la sauce wahhabite peuvent être pour nous une source d’inspiration», lance-t-il avec humour.
En somme, le processus démocratique, ralenti par les atermoiements du Conseil suprême des forces armées, risque de sombrer si un consensus national entre toutes les forces politiques n’est pas trouvé pour la concrétisation des objectifs de la révolution.
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