Algérie

Va-t-on subir ou bénéficier du redéploiement de la Chine '


Va-t-on subir ou bénéficier du redéploiement de la Chine '
L'Algérie pourrait recourir à un prêt de la Chine pour financer «certains grands projets d'infrastructures». L'annonce du ministre du Commerce, Belaïb Bakhti, est perçue par l'opinion publique comme un coup de semonce.Bien que le ministre ait précisé «qu'il s'agit d'une exception que compte faire l'Algérie compte tenu des faibles taux d'intérêt appliqués par la Chine et de la qualité des relations entre les deux pays», cette déclaration est en porte-à-faux des discours que le gouvernement égrène afin de rassurer quant à la capacité de résilience d'une économie nationale forte de réserves de change permettant de faire face au choc né de la chute des cours du brut, et ce, pendant au moins 4 à 5 ans.Pourtant, pour les économistes, ce n'est pas tant la possibilité, ce n'est pas tant le recours une nouvelle fois à l'endettement externe, mais plutôt l'usage qui sera fait des financements ainsi obtenus. Ils s'interrogent aussi sur les raisons ayant poussé les autorités algériennes à évoquer cette possibilité. Ceci d'autant que dans les milieux économiques et managériaux, il est convenu que ce n'est pas la dette qui pose problème, mais la solvabilité. C'est dans ce sens justement que l'expert statisticien et économiste, Ahmed Mokadem, avance qu'il faut prendre la question de l'endettement sous l'angle de sa gestion.L'économiste et ex-directeur de l'ONS estime que l'endettement doit analyser, selon un certain nombre d'indicateurs microéconomiques, comprenant le taux d'intérêt qui peut être intéressant, l'opportunité et les délais de remboursement, entre autres. M. Mokadem estime que le recours à l'endettement pour le financement de projets structurants serait intéressant dans la mesure où la Chine, qui fait face actuellement à l'éclatement de sa bulle financière, recherche des partenariats gagnant-gagnant pour garantir un certain dynamisme pour son économie. L'économiste émet toutefois une condition. Les projets financés par l'endettement, le soient dans un objectif de production.Il est vrai que la Chine fait face, depuis quelques mois, à des difficultés économiques. Le principal créditeur de la première puissance économique mondiale mène depuis quelques mois une stratégie de redéploiement en Asie et en Afrique, assise sur la création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, qui nécessitera la mobilisation de 800 milliards de dollars/an d'investissement et est destinée, à terme, à supplanter des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement.Les Chinois redoublent d'efforts pour séduire les pays en développement en surfant sur les principes défendus durant les années 1950 par Zhou Enlai et multiplient les mesures d'aide en direction des pays pauvres comme l'effacement des dettes des moins avancés. Pour l'Algérie, le fait que la Chine entretienne des relations diplomatiques avec notre pays depuis 1958 et soit le premier fournisseur en matière de commerce extérieur plaident en sa faveur.S'endetter? pour quel objectif 'Cependant, beaucoup d'interrogations demeurent d'autant que les financements, accordés dans ce genre de situations, prennent souvent la forme de crédits-fournisseurs. Ceci d'autant qu'il est connu pour le cas des Chinois qu'ils recourent systématiquement à l'importation de main-d'?uvre chinoise pour la réalisation de leurs projets. C'est dans ce contexte justement que l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie nous explique que «la dette n'a jamais été un problème en soi. Son absence si. La question est de savoir pourquoi s'endette-t-on. Dans une situation normale, on s'endette pour être actif sur le marché et travailler avec l'argent créé par les institutions financières, si on s'endette, c'est pour pouvoir produire et s'assurer des revenus pour rembourser la dette et des excédents pour couvrir les secteurs improductifs.C'est aussi faire travailler ses ouvriers. L'après-pétrole, c'est mettre le travailleur algérien dans une posture où il doit produire et être compétitif». Il estime cependant que «dans le cas présent, on se demande pourquoi contracter un prêt auprès des Chinois alors que les réserves de changes dont nous disposons nous permettent de faire face aux choix hasardeux. D'ailleurs, à quoi va servir ce prêt ' Il serait grave et dommageable de contracter un prêt que nos enfants devront rembourser pour ne rien produire et fournir du travail aux ouvriers chinois».Des interrogations qui trouvent pleinement leur place, dans la mesure où la présence chinoise a malheureusement été associée à des scandales de corruption et des problèmes en matière de réglementation du travail. Un rapport de la Banque africaine de développement (BAfD), publié en 2012, expliquait comment l'Algérie avait accordé, entre 2002 et 2012, 20 milliards de dollars de contrats aux entreprises chinoises sans que cela ne se répercute sur l'emploi en Algérie. La BAfD estime ainsi que cela a surtout permis à la communauté chinoise en Algérie d'atteindre 50 000 travailleurs expatriés.Certes, la Chine cherche à diversifier, au-delà du BTPH, ses activités en Algérie et s'intéresse, à titre d'exemple, aux industries mécanique et électronique, à la sidérurgie et aux mines. Mais il ne faut pas perdre de vue le fait que la stratégie de redéploiement chinoise a pour objectif d'avoir un accès favorisé aux fournisseurs de matières premières et aux consommateurs des pays en développement. Une question reste posée. La politique de diversification des partenaires prônée par les pouvoirs publics est-elle réfléchie dans le sens où elle permettrait de tirer le meilleur parti de ce redéploiement chinois ou, dans le cas contraire, devra-t-on le subir '


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