Algérie

Université d'Oran



Université d'Oran
L'analyse géostratégique nécessite une maîtrise de nombreux domaines, avec comme base une perception philosophique permettant d'aborder tous les questionnements. L'Algérie manque d'instituts d'études stratégiques et/ou de prospective capables de fournir à notre diplomatie des outils méthodologiques afin d'aborder les questions de son champ d'intérêt.Après le succès du mastère philosophie et analyse géostratégique à l'université Oran 2, le promoteur de ce projet se fixe un nouvel objectif : créer un département de géostratégie. En effet, le Pr Mokhtar Berriah a annoncé que l'équipe d'enseignants, encadrant ce mastère, s'attelle à la finalisation de l'étude permettant de créer un département dédié à cette discipline. Ensuite, le projet sera porté devant la tutelle, à savoir le rectorat et le ministère de l'Enseignement supérieur. Ce mastère étant actuellement sous la coupe du département de Philo à la faculté des sciences sociales. «Nous avons eu un engouement de la part des étudiants de tout le pays mais aussi des enseignants. Le mastère est réussi.A présent, nous souhaitons créer un département des études géostratégiques», a annoncé M. Berriah. Autre bonne nouvelle pour les promotions précédentes dudit mastère : l'ouverture du doctorat en «philosophie et analyse géostratégique», dont le concours est programmé pour le 10 octobre 2016. «Pour la première fois depuis le lancement du mastère en 2013, nous avons obtenu l'autorisation d'ouvrir des postes de doctorat. Le concours est ouvert pour six postes seulement, ce qui n'est pas suffisant en raison de la nouveauté de la discipline en Algérie, mais c'est déjà un début», explique le professeur Berriah.Les étudiants se sont réjouis de cette nouvelle, mais regrettent que le nombres soit aussi réduit. «C'est dommage qu'il n'y ait que six postes, car il y a vraiment d'excellents éléments. Il suffit de voir les thèmes soutenus en mémoires de fin d'études ; ils sont pertinents, nouveaux et authentiques. Mais cela veut aussi dire que la concurrence sera rude, ce qui est bien», commente un étudiant rencontré au département de philo à Es Sénia, où il est venu déposer sa candidature pour le concours.Une discipline nouvelle en AlgérieIl faut savoir que l'école doctorale fournira des enseignants spécialisés pour le futur département, puisqu'il s'agira de former des étudiants en licence, mastère et doctorat pour une discipline nouvelle en Algérie. En outre, les inscriptions ont commencé cette année pour la quatrième promotion de ce mastère ouvert pour plusieurs disciplines que sont la philosophie, le droit, les sciences politiques, le journalisme et la communication. «C'est un mastère pluridisciplinaire.Nous inscrivons des étudiants avec différentes licences en rapport avec le mastère et il faudra certainement s'ouvrir à d'autres, comme l'économie, car l'analyse géostratégique nécessite une maîtrise de beaucoup de domaines avec une base philosophique permettant d'aborder tous les questionnements», commente le professeur Berriah. Et il n'y a qu'à voir les modules enseignés durant les trois semestres d'études.Le premier semestre est consacré à des matières d'introduction mais aussi de spécialisation comme l'analyse géostratégique, la cybernétique, l'histoire des institutions, les études prospectives, la justice transitionnelle, la théorie de la guerre, la théorie du complot, la théorie des jeux, les médias et la gestion des crises, l'anthropologie, etc. Wael Z., étudiant en deuxième année, commente : «Je suis avocat, donc juriste de formation, mais ce mastère m'a tellement appris que mon approche a complètement changé.Je n'aborde plus les questions politiques et sociales de la même manière aujourd'hui, il y a plusieurs degrés de lecture pour chaque événement. Par exemple, nous avons des modules d'anthropologie qui abordent le religieux et le pouvoir. Ces matières combinées à d'autres, comme la géopolitique ou l'histoire des institutions, nous fournissent des outils d'analyse nouveaux. Et comme il s'agit de géostratégie, notre analyse est faite en temps de guerre, de conflit ou de paix?»Un mastère pas comme les autresL'autre particularité de ce mastère est que les étudiants ont un large champ de man?uvre et leurs initiatives sont encouragées et soutenues. En mars 2016, un séminaire organisé par les étudiants, qui étaient également conférenciers, a enregistré la présence de responsables du commandement de la Gendarmerie nationale, de l'ANP, les Douanes et la police, en plus des universitaires. «C'est notre approche ! L'étudiant ne doit pas être seulement un réceptacle mais doit participer.Dans les séminaires, les enseignants remplacent les étudiants et assistent à leurs conférences : nous avons eu droit à des analyses géopolitiques, des exposés sur de nouvelles techniques et approches, du champ de bataille au combat intellectuel?», a commenté M. Berriah. Des séminaires internes sont également au programme, comme celui de 2016 avec pour thème : La situation géopolitique dans le monde dit «arabe», le Sahel et le phénomène Daech.Même les cours du mastère sont divisés en deux parties : après la conférence, une séance de débat est modérée par l'enseignant et chacun y va de son opinion ou analyse. S'agissant des thèmes abordés, l'actualité et la géopolitique sont au centre avec une approche philosophique. Selon les résolutions enregistrées à l'issue des séminaires organisés depuis 2013, l'on relève que la lutte contre l'obscurantisme avec en ligne de mire la mouvance wahhabite et le terrorisme sont au centre des interrogations.«Oui nous abordons des sujets qui peuvent être considérés comme sensibles. Mais nous sommes à l'université et le sérieux prime sur les opinions personnelles ou les craintes de chacun. Nous n'avons parmi nous que des étudiants algériens, patriotes et dévoués. Il y a des commissaires et des capitaines de police, des magistrats, des avocats, des journalistes de grandes rédactions nationales et aussi des enseignants. Le niveau est rehaussé grâce à eux et chaque minute du cours est précieuse», commente un autre étudiant.La lutte contre la menace wahhabiteSelon les thèmes des soutenances des deux premières promotions, l'on réalise que ces universitaires ont identifié plusieurs axes de travail. Les questions politiques et sociales qui freinent la transition dans le pays se heurtent, selon leurs différentes analyses, à tout un héritage culturel et religieux, à réformer ou redéfinir. Par exemple, l'analyse du phénomène Daech arrive à la conclusion suivante : «Daech est une lecture directe du wahhabisme et pour s'en prémunir, le champ des opérations ne suffit pas.Il faut faire un travail radical sur la société, à commencer par l'éducation et la réappropriation de la religion avec une authenticité algérienne, car elle constitue aujourd'hui un outil de domination et d'influence du royaume wahhabite, donc une ingérence sous-jacente qui déstabilise les Etats les plus solides qui baissent leurs gardes seulement parce que c'est une doctrine qui sert également le mondialisme en ciblant l'Etat-nation». D'autres conclusions des analyses des étudiants rappellent qu'il y a lieu «d'actualiser les approches de combats intellectuels, car les époques changent et la notion d'intérêt a piégé le militantisme dans le jeu politique». La question de l'identité est aussi au centre des analyses.D'ailleurs, un séminaire sera organisé cette année sur «La problématique de l'identité». Pour le professeur Berriah, «c'est un sujet tout aussi sensible que la question religieuse. Mais la lecture universitaire et académique a cette prétention d'échapper à la subjectivité partisane, régionale ou idéologique. Le sujet, les conférences, le débat et les conclusions sont faits par des étudiants qui sont le produit de plusieurs facultés, qui viennent de plusieurs secteurs, et ce sont des enfants de différentes villes du pays. Le défi est de dépasser tout cela pour être un géostratège».


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