Algérie

Union européenne Pacte sur l'immigration : le génie et les géniteurs



C'est peut-être la seule réalisation de taille de la présidence française de l'UE, celle d'une vision étrangement eugéniste du phénomène de l'immigration.

Du livre vert sur l'immigration en 2005 au Pacte sur l'immigration en septembre 2008, il aura fallu aux dirigeants européens quatre années de débats, dominés par la démagogie et les surenchères politiciennes, pour aboutir à un consensus honteux dans leur gestion de l'immigration. Peut-on conclure autrement lorsque l'Europe démocratique met, dans ce qu'elle appelle le « Pacte sur l'immigration », tous les atouts et avantages de la migration de son côté, y compris au prix de l'appauvrissement des pays pourvoyeurs de main-d'oeuvre qualifiée, c'est-à-dire ceux de l'hémisphère Sud de ce monde ? Qui plus est, le Pacte sur l'immigration que viennent d'adopter, vendredi dernier à Bruxelles, les ministres de l'Intérieur des 27 pays de l'UE, a été mené et conçu sans aucune consultation sérieuse avec les pays tiers pourvoyeurs d'immigrés. Sans exclure la responsabilité des dirigeants des pays du Sud sur leur manque d'initiative et de stratégie (pour ne pas dire d'intelligence) à négocier un partenariat équitable sur cette question combien vitale pour leur avenir en cette période de mondialisation tous azimuts, il n'en demeure pas moins que l'UE vient de mettre à jour son égoïsme et sa volonté de construire, par le truchement de la diplomatie et d'accords de partenariat avec les pays tiers, un vrai mur de séparation avec le tiers-monde. « L'immigration peut, certes, stimuler et favoriser la croissance, mais les changements qu'elle entraîne dans les pays d'accueil risquent de devenir des facteurs perturbateurs et de porter atteinte à la cohésion sociale », lit-on dans l'exposé des motifs de ce Pacte.

Voilà un argument, jusque-là propriété des partis d'extrême droite, récupéré par les pouvoirs en place dits démocratiques. L'immigré (l'étranger) peut être un risque pour « la cohésion sociale », un élément «perturbateur». Ceci dit, l'Europe souhaite « importer » juste un quota d'immigrés utiles, ceux hautement qualifiés. Elle offrira des incitants et avantages à cette catégorie « d'étrangers » sans se soucier des effets négatifs sur leurs pays d'origine vivant un sous-développement structurel. Et pour plus d'efficacité, les Européens évoquent « la solidarité » entre Etats de l'Union pour fermer définitivement le jeu. « Organiser une approche globale de l'immigration légale en fonction des besoins et de la capacité d'accueil de chaque Etat membre dans un esprit de solidarité », explique le Pacte. Pour cela, le Conseil des ministres a fait sienne et retenu la proposition de la Commission européenne d'octobre 2007, instituant « la carte bleue pour les immigrants hautement qualifiés ».

Là encore, et sous les pressions de la France de Sarkozy qui préside l'UE jusqu'à la fin de l'année, le regroupement familial pour ces immigrés hautement qualifiés n'est pas assuré. L'UE ne se contente pas de débaucher les cadres qualifiés de leur pays d'origine, elle les sépare de leur propre famille. La « solidarité européenne » pour attirer de très bons immigrés fonctionne aussi pour rejeter les autres, les plus faibles, les malheureux.

« La pièce maîtresse de la lutte contre l'immigration illégale est l'organisation du rapatriement sélectif des immigrants illégaux. Le Pacte appelle à une amélioration de la coopération entre Etats membres qui pourraient organiser des vols de retour conjoints pour rapatrier les illégaux », est-il déclaré dans l'engagement n°2.

Dans cet ordre d'idées, il n'est plus question de régularisation massive, y compris pour des cas spécifiques (liens d'attache, intégration, durée de présence sur le territoire, mariage sur le sol européen...) ou humanitaires.

Dans sa volonté d'imiter les pays d'Amérique du Nord, particulièrement le Canada, dans sa conception d'une immigration choisie, l'Europe des 27 va encore compliquer la donne pour elle et pour les pays pourvoyeurs de main-d'oeuvre qualifiée. Car, aux USA comme au Canada, la durée de la carte de séjour est de 10 ans et non pas de 2 ans, et les arrivants sont accueillis sans condition particulière, avec leur famille lorsqu'ils le souhaitent. Par ailleurs, la procédure d'appel aux immigrés qualifiés s'effectue dans les ambassades où sont exposées aux candidats les conditions claires et avantageuses. L'acquisition de la nationalité est fonction de la présence sur le sol : 5 ans pour les USA et automatique après 3 ans de résidence au Canada. L'Europe fait l'impasse sur cette question dans son projet de loi.

Et puis, il y a l'histoire et la géographie. Il y a l'océan Atlantique entre l'Amérique et l'Afrique, et les USA comme le Canada n'ont pas été des pays colonisateurs de l'Afrique et du monde arabe. Il n'y a pas de dette ou de contentieux historique avec ces deux nations.

Enfin, c'est quand même l'Europe qui s'inquiète de l'évolution de sa démographie et l'équilibre de son système économique. A moins qu'après avoir saigné les pays du Sud du peu qui leur reste de compétence scientifiques et intellectuelle, l'Europe vieillissante fera appel aux immigrés pour faire des enfants. Après avoir dragué les génies du Sud, elle le fera pour les géniteurs. Après tout, n'est-ce pas l'image qu'a l'Européen moyen de l'Africain ?






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