Un sommet maghrébin aura lieu avant la fin de l'année. C'est acquis. Encore
faut-il s'entendre sur son contenu, alors que chaque pays a son propre agenda.
Face au forcing tunisien, à la fébrilité marocaine et à l'activisme
libyen, l'Algérie a abandonné l'attentisme qu'elle affichait jusque-là, pour
adopter une position plus offensive dans la perspective du sommet de l'Union du
Maghreb arabe (UMA) qui doit se tenir avant la fin de l'année à Tunis. Le
principe de la tenue d'un sommet a été annoncé par le président tunisien, Moncef Marzouki, lors de sa
tournée maghrébine à la mi-février. Il a été confirmé, samedi, par le chef de
la diplomatie libyenne, Achour Ben Khayal, à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires
étrangères tenue à Rabat.
Il reste, toutefois, à gérer les longs mois de préparation, qui devraient
donner lieu à d'âpres discussions en raison des divergences sur les agendas et
les préoccupations de chaque partenaire. La tenue du sommet étant désormais
acquise, c'est le contenu de ce sommet, son ordre du jour et les décisions qui
en émaneront qui feront l'objet des prochaines batailles politiques.
Pour la Tunisie,
portée par l'euphorie de son expérience démocratique, le sommet constitue, en
lui-même, un succès important aussi bien pour la Tunisie que pour le
Maghreb. Le président Marzouki espère en tirer profit
pour lui-même, dans la perspective des élections présidentielles qui suivront
l'adoption de la nouvelle constitution, que pour la Tunisie, qui pourrait
trouver dans un Maghreb ouvert une solution aux problèmes économiques et
sociaux qui s'accumulent.
Les dirigeants libyens, dont l'expérience démocratique reste inaboutie, cherchent,
de leurs côtés, à asseoir un pouvoir fragile pour stabiliser le pays avant de
reconquérir progressivement une place dans la région. La coopération des pays
maghrébins peut, en ce sens, les aider à mieux gérer la situation, en attendant
de trouver des formules pour mettre sur pied de nouvelles institutions.
Quant à la Mauritanie,
dirigée par un général qui s'est fait élire après avoir pris le pouvoir par la
force, elle cherche d'abord à assurer sa stabilité, et à trouver une aide pour
faire face à la menace des groupes armés de tous genres (Al-Qaïda,
terrorisme local, banditisme, crime organisé) qui sévissent dans le Sahel.
Le sommet maghrébin reste toutefois essentiellement tributaire des
agendas marocain et algérien. L'attitude des deux poids lourds du Maghreb
déterminera, en effet, le contenu du sommet, et lui donnera une orientation qui
permettra, soit d'avancer vers la construction d'un ensemble régional, soit de
maintenir le statu quo en vigueur depuis deux décennies, en attendant que les
lignes bougent un peu.
Le Maroc, qui plaide pour une mise entre parenthèses du dossier du Sahara
Occidental, souhaite vivement une réouverture des frontières avec l'Algérie. Les
dirigeants marocains estiment que leur économie est mieux préparée, plus
avancée, et serait donc en mesure de tirer un meilleur profit d'une réouverture
des frontières. Leurs entreprises sont plus performantes, mieux adaptées à la
compétition. Le forcing marocain pour l'ouverture des frontières date de
plusieurs années, sans résultat. Les dirigeants marocains pensent tenir, dans le
prochain sommet de l'UMA, une opportunité inespérée
pour avancer en ce sens, d'autant plus qu'ils bénéficient d'une conjoncture
plus que favorable : l'opinion publique est favorable à l'idée de l'ouverture
des frontières, la Tunisie
et la Libye
plaident en ce sens, et les partenaires extérieurs du Maghreb, France et Etats-Unis
en tête, poussent dans la même direction.
A l'inverse, l'économie algérienne, noyée de liquidités mais incapable de
performances, a tout à redouter d'une ouverture immédiate des frontières, car
elle courrait un double risque. Cela faciliterait l'écoulement de quantités
encore plus importantes de produits subventionnés à travers les frontières, et
cela aspirerait une partie des liquidités qui inondent le marché algérien.
Ceci pousse l'Algérie à tenter d'imposer son propre agenda, avec
notamment une sorte de préalable que constituera une réunion ministérielle
consacrée au volet sécuritaire dans la région. M. Mourad Medelci
a plaidé pour une gestion «organisée, sérieuse, cohérente et durable» de la
sécurité dans la région (…) «Sans assurer la sécurité, nous ne pouvons rien
faire», a-t-il répété, citant la nécessité de «lutter contre le terrorisme, le
crime organisé, le trafic d'armes, la contrebande et l'émigration clandestine».
Ensuite, et seulement ensuite, sera examiné, dans l'optique algérienne, le
sommet de l'UMA, car selon M. Medelci,
il faut privilégier une «approche pragmatique, évolutive». Autrement dit, il ne
faut surtout rien précipiter, car «la priorité aujourd'hui est d'évaluer notre
action en vue d'organiser un sommet avant la fin 2012". Une façon polie de
dire que rien n'est acquis, tout reste à faire.
M. Medelci a toutefois entrouvert une porte. La
question de « la frontière terrestre n'est pas taboue. Nous Å“uvrons pour sa
réouverture», a-t-il dit, en écho à son homologue marocain, Saad Eddine Othmani, qui a, de son
côté, avoué le chemin qui reste à parcourir : « Nous n'avons tout simplement
pas abordé l'affaire » du Sahara Occidental, a déclaré M. Othmani.
C'est dire si les deux questions qui entravent la marche de l'UMA depuis deux décennies, le Sahara Occidental et les
frontières, restent entières.
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Posté Le : 20/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com