La même salle a vu se succéder deux courts métrages : « Les jours d'avant » de l'Algérien Karim Moussaoui et « Je vous vois » du Libyen Moutaz Ben Hameid. Un long métrage, « Révolution Zenj », de l'Algérien Tariq Teguia a été enfin présenté en compétition. « La mémoire noire, témoignages contre l'oubli », projeté devant un public averti mais réduit, nous replonge dans les années 80 du temps de Bourguiba. A travers des témoignages de quatre militants politiques du mouvement de gauche « Perspectives tunisiennes » emprisonnés durant des années se révèle le problème de la torture. Témoignages poignants sur une époque impitoyable. Hachem Troudi, analyste et journaliste, auteur d'un ouvrage sur le mouvement « Perspectives », Ezzedine Hazgui, éditeur de tous les mouvements protestataires contre l'arbitraire du pouvoir temoignent. Il y a aussi Fethi Ben Hadj Yahia, pédagogue et auteur de « El-habs kadheb » l'un des leaders de la seconde génération du mouvement. Il démonte le rapport complexe entre tortionnaires et victimes. Simone Lellouche a, enfin, évoqué la mémoire de son époux, Ahmed Othmani, leader de « Perspectives » dès 1964 et membre fondateur, en 1981, de la section tunisienne d'Amnesty International. Elle est aussi une infatigable militante qui porte le flambeau de la défense des droits de l'homme. Elle a été expulsée de Tunisie et condamnée par contumace en 1972. Chacun relate sa douleur. Ce film de 52 minutes veut participer à la justice transitionnelle où les intervenants parlent de la reconnaissance de ces crimes comme une condition indispensable pour toute réconciliation et thérapie. Il constitue le premier volet d'une série de documentaires qui s'intéresseront à des groupes politiques différents. Né en 1958 à Tunis, Hichem Ben Ammar a étudié les Beaux-arts dans sa ville. Il a réalisé ensuite plusieurs documentaires, notamment « Femmes dans un monde de foot » en 1998. Il est également l'auteur de deux recueils de poésie, « L'idéal atteint » et « La négociation ». « Des murs et des hommes » de Dalila Ennadre décrit avec dextérité et talent le rejet des autres, l'injustice, la survie, la débrouille, la beauté, la poésie du lieu, la joie et la rage de vivre. Ce film réalisé comme un conte est l'un des récits possibles de la médina, une façon de se frotter à l'histoire sociale récente. Avec une grande justesse et un regard bienveillant, Dalila Ennadre nous emmène à la découverte des habitants de la médina de Casablanca.Violence sourde Un public plus nombreux a suivi les courts métrages. « Les jours d'avant » de Karim Moussaoui nous raconte une fiction qui évoque la décennie noire à travers deux histoires. Dans une cité du sud d'Alger, Sidi Moussa, au milieu des années 90, seul l'ennui semble régner. Djaber et Yamina sont voisins mais ne se connaissent pas. Pour l'un comme pour l'autre, il est si difficile de se rencontrer entre filles et garçons qu'ils ont presque cessé d'y rêver. Mais en quelques jours, ce qui n'était jusque-là qu'une violence sourde et lointaine éclate devant eux, marquant leurs vies à jamais. Le réalisateur raconte le combat d'une nation à travers deux adolescents, avec légèreté, émotion et une formidable énergie. Le film transmet toute la richesse de cette expérience humaine. Karim Moussaoui, né en 1976, est l'auteur de deux autres courts métrages, « Petit déjeuner » en 2003 et « Ce qu'on doit faire » en 2006. Membre fondateur de l'association culturelle de promotion du cinéma « Chrysalide », il devient responsable de la programmation cinéma à l'institut culturel d'Alger. « Je vous vois » du Libyen Moutaz Ben Hameid se focalise sur la conscience individuelle et collective. Le réalisateur veut faire passer plusieurs messages à la fois autour de l'autorité, l'avidité et le pouvoir. Né à Benghazi, en 1983, cinéaste, artiste peintre et journaliste, il est aujourd'hui responsable de la rubrique culturelle et artistique du journal Kourina El Djadida. Il a à son actif des courts métrages comme « I see you », des documentaires comme « Awad Aobeidha anamoudhadj », « El anezi », « Azif mazamir el alwane » et des romans. Enfin, « Révolution Zend de Tariq Teguia met en exergue le parcours du journaliste Ibn Battuta, envoyé pour réaliser un reportage sur des affrontements communautaires au Mzab. Il se retrouve entraîné sur les traces oubliées du soulèvement des zendj contre le califat abasside en Irak aux VIIIe et IXe siècles. Un épisode historique encore méconnu, y compris dans le monde arabe.
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Posté Le : 10/06/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Samira Sidhoum
Source : www.horizons-dz.com