Algérie

Une visite, une victoire



Quel sens donner à la visite d?Ouyahia à Beni Douala, où il s?est recueilli sur la tombe de Guermah Massinissa ? Pour les délégués impliqués dans le dialogue, « c?est une victoire ». « Nous avons fait plier le pouvoir, Ouyahia s?est incliné devant la mémoire de celui qui a été traité de voyou en 2001 », nous dit un délégué. Pour les détracteurs de la démarche d?Abrika et de ses compagnons, le déplacement du Chef du gouvernement à Beni Douala « est une insulte aux martyrs du printemps noir et à tous ceux qui ont mené le combat pour la démocratie et les libertés depuis avril 1980 ». Les citoyens rencontrés hier matin à Tizi Ouzou étaient partagés entre l?indifférence et une sorte d?indignation. « Je ne pensais pas qu?un jour le printemps berbère allait être célébré par le pouvoir », nous dit un quinquagénaire. Le grand gala qu?organise la CADC au stade Oukil Ramdane de Tizi Ouzou pour célébrer le 25e anniversaire du printemps berbère est entièrement pris en charge par l?Etat qui mettra à la disposition du mouvement les moyens matériels de l?ONCI. En cette date symbole du 18 avril, quatre années après la mort du jeune Massinissa, à force de manipulations, de ruses, de fausses promesses, d?engagements, le pouvoir a fini par avoir raison de ceux qui hier le qualifiaient encore de « mafieux et assassins ». Aujourd?hui, aux yeux des délégués, le pouvoir a changé. Le pouvoir qui continue à réprimer les enseignants, les journalistes, le pouvoir qui continue à interdire toute manifestation publique, toute voix discordante, est devenu, par la grâce d?un dialogue et de simples engagements qu?il n?assumera sans doute jamais, fréquentable, démocratique. C?est trop facile, trop simpliste. Alors qu?aucun responsable, aucun assassin n?a été jugé quatre ans après la tragédie du printemps de Kabylie, Ouyahia, qui était à l?époque ministre de la Justice, débarque sous escorte, entouré de centaines de policiers, à Beni Douala, pour prêcher la bonne parole et exprimer sa volonté de panser les blessures. Dans une Kabylie anéantie socialement, divisée politiquement, brisée moralement, gangrenée par la corruption, le chef du gouvernement est venu en terrain conquis. Il savait que personne n?oserait l?en empêcher. Demain, mercredi, la Kabylie célébrera 25 années de résistance, de combat pour la démocratie, pour la liberté d?expression. Le combat a-t-il été gagné ? Assurément pas. Le pouvoir qui matait la révolte d?avril 1980 n?a pas changé. Il est toujours le même, avec sans doute un relookage de façade. Mais c?est la Kabylie qui a changé. De 2001 à 2005, le pouvoir a joué sur le pourrissement pour briser toute résistance citoyenne dans la région. Alors qu?il y?a une année, Bouteflika, en candidat à sa propre succession, était accueilli par des émeutes, son chef du gouvernement est accueilli en avril 2005 avec les honneurs. En promettant de déverser sur la Kabylie des milliards pour rattraper le retard qu?elle accuse en termes de développement, le pouvoir parviendra sûrement à maîtriser pendant un certain temps une région qui lui a toujours été hostile.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)