Une visite qui fera date entre l'Algérie et la France

PUBLIÉ 03-09-2022 dans le quotidien Le Soir d’Algérie

Par Ali Chérif Deroua
Après mûre réflexion, je me sens à nouveau obligé de donner mon point de vue sur le devenir de mon pays.
Ce n'est nullement une immixtion dans la gestion des affaires entre les deux pays. L'Algérie et la France ont des dirigeants à même de le faire, et souvent avec brio.
Cette visite a été provoquée par une invitation du Président Tebboune au Président Macron.
Ce dernier y a répondu avec célérité, vu la situation pour le moins difficile de l'état des relations et d'autres considérations.
Pour des raisons simples à analyser (d'autres se sont chargés de le faire), ce voyage a été préparé à la va-vite, avec comme conséquences des situations de tension.
Chacun des deux Présidents avait ses idées, ses intérêts à défendre et ses arrière-pensées, et c'est de bonne guerre.
Tous les téléspectateurs des deux rives de la Méditerranée intéressés par cette visite ont pu constater que l'accueil a été presque strictement protocolaire. Le départ a été plus chaleureux, plus détendu, plus «complice».
Ces chuchotements, ce main dans la main en étaient des indications plus que significatives pour le commun des mortels et à plus forte raison pour les analystes et spécialistes des deux bords.

Pourquoi ce changement ?
Une réunion qui peut être considérée comme une première dans les annales des relations entre les deux pays a permis ce résultat: une rencontre restreinte entre les deux chefs d'État avec
- Côté algérien, Abdelmadjid Tebboune, président de la République ; Saïd Chanegriha, chef d'état-major ; M'henna Djebbar, directeur général de la lutte contre la subversion ; Djamel Mejdoub Kehal, directeur général de la Sécurité intérieure ; Abdelghani Rachedi, directeur général de la documentation et de la Sécurité extérieure.
- Côté français, Emmanuel Macron, président de la République ; Sebastien Lecornu, ministre de la Défense nationale ; Thierry Burkhard, chef d'état-major ; Bernard Émié, directeur général de la Sûreté extérieure.
Pour ma part, je peux considérer cette exceptionnelle réunion comme une date historique dans les relations entre les deux pays. Pour preuve, les deux Présidents en ont relevé l'importance en conférence de presse conjointe.
Cette réunion a été l'apothéose de la visite, et aussi une nouvelle impulsion dans le développement des relations qui, selon moi, «battaient de l'aile». C'est aussi le point de vue de beaucoup d'analystes, hommes politiques, commentateurs, journalistes spécialisés.
Ce qui est sûr, cette réunion a été l'objet de commentateurs de tous bords, diversement appréciée par les amis, adversaires et autres.
Je n'ai pas pour habitude de faire l'apologie des hommes politiques. Lorsque je le fais, j'assume. Le Président Macron est un cas bien spécifique. Propulsé sur le devant de la scène par les forces occultes faciles à situer, il a, à ce jour, un parcours hors du commun.
S'imposer dans le sérail politique français sans jamais avoir sollicité le vote de ses concitoyens, se faire élire président de la République sans soutien partisan, et après avoir éliminé de la course plusieurs poids lourds préjudiciables à sa carrière: il faut le faire !!! Avec cette élection, il est à ce jour le plus jeune président de la République depuis son instauration.
Il a été reconduit dans cette fonction malgré tous les avatars de la politique intérieure de la France, et un contexte géopolitique international instable.
Tout le monde s'accorde pour lui reconnaître des tas de qualités telles que sa formation, son sens du débat, son imprévisibilité calculée, son sens de la responsabilité assumée, sa capacité d'encaisser sans effet apparent et tant d'autres.
Normalement, je devrais dresser un tableau élogieux du Président Tebboune. Je ne le ferai pas.
Toutefois, je me dois de lui reconnaître la qualité de son origine, sa formation, son expérience, son parcours de plus d'un demi-siècle au service de la Nation, sa sagesse, son esprit consensuel et un regard qui en dit long sur sa personnalité.
Lors de cette fameuse réunion, les deux Présidents s'étant mutuellement et minutieusement jaugés, ont décidé d'un commun accord de trouver une nouvelle synergie aux relations entre les deux pays.

Pourquoi ?
Il y a une nouvelle donne avec un agenda. Attendons de voir pour juger.
Je profite de cet article pour remercier Madame Colonna, ministre des Affaires étrangères (titulaire du grade d'ambassadeur de France) d'avoir apprécié que l'avion présidentiel ait été escorté par une escadrille des forces aériennes algériennes jusqu'aux frontières internationales. Ils n'ont pas oublié de donner les coups d'ailes habituels de l'au revoir et bon voyage.

Quelle symbolique.
Avant de conclure cet article, j'aimerais en profiter pour éclaircir certains esprits.
Ce sommet a été présidé par Tebboune, président de la République algérienne, ministre de la Défense, chef des Forces armées et par Macron, président de la République française, qui délègue ses pouvoirs de ministre de la Défense à une personne qu'il désigne et peut relever à sa convenance, chef des Forces armées (article 15 de la Constitution française) détenteur exclusif du code nucléaire.
Alors, par comparaison, de grâce abstenez-vous dorénavant de nous traiter de pouvoir militaire, s'il vous plaît.
Avec cet article, je pense servir et sauvegarder les relations entre les deux pays avec toujours en tête que, quels que soient nos problèmes communs, aucun des deux pays ne peut déménager et à plus forte raison déménager l'autre.
Avec cet article, je reste fidèle au cher Didouche Mourad et son message prémonitoire : «Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires.» Eh bien, cher compagnon, repose-toi, le flambeau que vous nous avez légué est entre de bonnes mains.
En conclusion, j'aimerais féliciter et remercier le Président Macron pour cette visite.
Quant au Président Tebboune, je ne peux que dire : bravo et chapeau.
A. C. D.

PUBLIÉ 03-09-2022,