Une ville, une histoire Rêve de femme (1re partie)

Epoque - Au milieu des années 1970, dans les villages de Seddouk, dans la wilaya de Béjaïa, comme dans la plupart de tous ceux des montagnes d'Algérie, on continuait à vivre comme au XIXe siècle.Akli, 38 ans, affalé sur une chaise basse, tendait les mains au feu crépitant dans l'âtre et les frottait ensuite. Il était cinq heures du matin et il était déjà en retard pour le marché hebdomadaire.
' Alors, femme, il vient ce café, oui ' hurle-t-il soudain sans se soucier de ses enfants qui dorment dans la même grande pièce et qu'il risque ainsi de réveiller.
' Attends encore un peu ! Tu crois que c'est facile de faire bouillir du café ou du lait avec ce bidule-là.
Ce «bidule-là» était un réchaud à alcool que nos mères et nos grands-mères utilisaient autrefois. Il avait remplacé le charbon et le bois dans les petites cuissons, au grand bonheur des femmes qui n'avaient plus à puiser dans la réserve de bois qu'elles mettaient des jours et des jours à amasser, pour une petite tasse de café.
Mais depuis quelque temps, Fetta, la femme d'Akli, éprouve de l'aversion pour ce petit réchaud miraculeux que l'on peut déplacer à volonté. Et ce matin-là, elle a tenu à lui répéter les propos dont elle lui avait fait part à quatre reprises déjà :
' Ce réchaud à alcool est vraiment une mauvaise affaire.
' Ce n'est pas ce que tu me disais quand je l'ai acheté.
' C'est vrai ; mais depuis que j'ai vu le réchaud à deux feux de Dahbia, je n'arrive même pas à trouver le sommeil. Te rends-tu compte qu'elle peut faire bouillir une casserole de lait et une autre de café en même temps ! Elle peut même poser sur ce réchaud une énorme marmite avec son couscoussier !
' Tu sais comment fonctionne ce réchaud '
' Oui, je l'ai vu, c'est une sorte de grosse bouteille en fer...
' C'est une bouteille de gaz. Et elle est très lourde figure-
toi ! Et tu sais d'où je dois la ramener ' De la ville ! (A suivre...)