Une ville, une histoire Dans l'anonymat

Drame.- A force de maltraitance et de bleus sur tout le corps Fafa finira par déprimer et par perdre la raison.
Son véritable nom est Fatouma, mais on l'a toujours appelée Fafa depuis qu'elle avait 8 ans Elle est née près de Mostaganem dans ce qu'on nomme aujourd'hui la Vallée des jardins, une région luxuriante qui donne fruits et légumes en abondance. Issue d'une famille de solides paysans, elle sera mariée naturellement à un paysan dans l'Ouarsenis.
En 1930, elle quitte son mari qui, très porté sur la bouteille, la battait régulièrement.
Quelques années plus tard, avant la Seconde Guerre mondiale elle perd ses deux s'urs emportées par le choléra et se réfugie chez ses deux neveux parfaitement installés sur la côte, ce qui ne gâte rien, dans un quartier résidentiel au milieu des villas des colons.
C'est là qu'elle connaîtra l'enfer. Les enfants de ses neveux, des filles âgées de 10 et 12 ans, très snobs et qui voyaient dans cette intruse un véritable déclassement social, lui mèneront la vie dure. Ils la bousculeront dans les escaliers, la traîneront par les cheveux et quand elle se plaindra à ses neveux qui ne sont jamais à la maison, elle ne reçoit qu'une seule réponse, toujours la même : «Ce sont des enfants, ils sont jeunes...»
A force de maltraitance et de bleus sur tout le corps Fafa finira par déprimer et par perdre la raison. Devant son état qui se dégrade de jour en jour, ses neveux n'eurent d'autre choix que de l'enfermer dans un débarras. Pas question de l'envoyer à l'asile psychiatrique car à cette époque, cela était considéré dans les familles comme la honte suprême.
Fafa passera le reste de sa vie derrière une porte en bois, égrenant ses souvenirs, et appelant sa pauvre mère à l'aide.
On lui poussera son assiette repas avec un gros bâton comme si elle était pestiférée. Elle rendra l'âme un beau matin, discrètement, sans déranger.
Elle partira comme elle était venue, dans l'anonymat.