Algérie

Une ville, une histoire L'homme aux pieds nus



Le hasard - Comme d'habitude il baissera les yeux et tendra machinalement la main. C'est alors qu'un homme se détacha du groupe, l'approcha et l'apostropha familièrement. Il semblait le connaître.
Il est né à Bab el-Oued mais ceux qui l'ont connu, affirment qu'il a vu le jour à Belcourt.
En tout cas, il a grandi à Alger et a même poursuivi des études primaires jusqu'à la moitié du cycle fondamental.
Pauvre de naissance et ayant toujours vécu, lui et sa famille, dans la précarité, il décida un jour de trouver le moyen de se faire de l'argent à bon compte sans se fatiguer et ainsi de se venger de la vie qui ne lui a fait aucun cadeau.
Seule la mendicité pensa-t-il pouvait le sortir du trou à rat où il habitait. Et comme il était extrêmement éveillé, il commença par observer les professionnels de cette arnaque qui utilisaient des fausses ordonnances ou des bébés dans les bras pour apitoyer les passants.
Il trouva mieux, marcher pieds nus par n'importe quel temps et de préférence très mal habillé, au besoin en haillons.
Mais il eut surtout le génie de bouger, d'éviter le même quartier, de changer de ville et même de wilaya et d'opérer partout où sa tête n'était pas connue. Il écumera la ville d'Alger pendant des années, arrondissement par arrondissement, rue par rue, avenue par avenue, il ne ratera ni les sorties des salles de spectacle ni les sorties des stades. Et pendant les fêtes, il fera fortune.
Et avant qu'il ne soit totalement repéré, il préférera se faire oublier à Constantine où il répétera systématiquement le même manège.
Là encore, il passera quelques années à tendre la main et à quémander une obole, les pieds toujours nus et atrocement endoloris.
A Oran, où il «travaille» depuis quelques mois, il ne changera aucune de ses habitudes puisqu'apparemment le filon était porteur.
Mais le hasard qui joue bien des tours, a voulu qu'il pénètre un jour dans une grande boucherie, non pour acheter de la viande puisqu'il était censé être fauché mais pour mendier auprès des clients.
Ils étaient nombreux à attendre leur tour pour être servis. Comme d'habitude il baissera les yeux et tendra machinalement la main.
C'est alors qu'un homme se détacha du groupe, l'approcha et l'apostropha familièrement. Il semblait le connaître.
' Alors Ahmed, toujours en activité, pourtant tu as terminé ta villa à Belcourt il y a très longtemps '
Pris en flagrant délit, le mendiant se redressa, le regarda droit dans les yeux et prit la fuite.
On ne le reverra plus jamais.


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