Une ville, une histoire

Lorsque les pouvoirs publics ont construit la Grande Mosquée de Constantie, ils placèrent à la tête de l'établissement un grand théologien débauche de l'université d'El Azhar au Caire. Ce brave homme avait beaucoup de qualités humaines, et ce qui ne gâtait rien, était très compétent en matière religieuse. On venait le consulter sur tout et il était souvent d'un grand conseil.Les citoyens de Cirta se souviennent parfaitement de lui. En plus de son immense érudition, l'imam était aussi recteur de la mosquée et a toujours manifesté son amitié et même sa grande admiration pour l'Algérie. Jusque-là, l'itinéraire du cheikh était impeccable et sa vie linéaire sans aucun accroc restait un exemple pour tous les fidèles.
Mais voilà, dès la nuit tombéee, il quittait la mosquée, sortait avec sa vieille épouse et marchait le long des avenues. Cette promenade nocturne, qui se répétait assez souvent, a fini par éveiller les soupçons de nombreux citoyens qui ne comprenaient pas pourquoi un homme de cette culture et de cette trempe se permettait de telles escapades alors que la plupart des haitants dormaient du sommeil du juste.Etonné et surpris, un Constantinois prit un soir son courage à deux mains et aborda carrément le couple : «Cheikh, lui dit-t-il, avec tout le respect que je vous dois, votre place n'est pas dans ce boulevard au beau milieu de la nuit.» La réponse ne se fera pas attendre :«C'est vrai, je suis un homme âgé et il ne me reste pas beaucoup de temps à vivre, alors au lieu de dormir, je profite de la nuit pour vivre encore comme si je rallongeais le fil de ma vie. Le passant, interloqué, ne savait plus quoi lui dire.