Prestige - Il avait un bureau dans une rue perpendiculaire à l'avenue centrale et les Européens le saluaient chapeau bas.
Autant que l'on s'en souvienne les notables indigènes étaient classés par l'administration coloniale en quatre catégories, surtout dans les zones steppiques et pastorales qui n'étaient pas encore touchées par le «virus indépendantiste».
Il y avait d'abord les «khodjas» c'étaient des secrétaires qui avaient le certificat d'études et dont le rôle consistait à tenir à jour, entre autres, le registre des naissances et des décès de la tribu.
Il y avait ensuite les caïds, ils étaient les garants de la tribu et surtout de sa fidélité à la France.
Venaient ensuite les bachagas, des supercaïds extrêmement riches en cheptel et en terre agricole et dont l'influence s'étendait sur une ou plusieurs régions.
Leur allégeance servit au colonisateur qui n'a jamais eu le moindre doute à leur égard, à part quelques exceptions. Il reste pourtant une classe tout à fait particulière dans cette hiérarchie : les aghas.
Ils étaient très peu nombreux dans le pays et n'avaient pas de fortunes ostentatoires. On prétend que ce sont les arrière -petits-fils des lieutenants de l'émir Abdelkader, comme le lieutenant sahraoui que la France essaie de corrompre par des petits hochets qui leur assurent respect, privilèges et notoriété.
Comme la légion d'honneur par exemple ou le grade symbolique de général de réserve.
Une chose est sûre, le seul agha du sud et des Hauts-Plateaux qui répondait à ces critères n'avait presque pas le sou et habitait, dans les années 50, un petit village sans grande prétention.
Il avait un bureau dans une rue perpendiculaire à l'avenue centrale et les Européens le saluaient chapeau bas.
N'ayant pas grand-chose à faire dans ce bureau,il avait pris l'habitude d'occuper le trottoir et d'y installer une chaise pour observer le va-et-vient des passants.
Par respect pour ce personnage à la grande sagesse qui impressionnait ceux qui l'approchaient, les musulmans évitaient ce passage ou le contournaient.
Et lorsqu'ils ne pouvaient pas faire autrement, ils se sentaient dans l'obligation de baiser le burnous de l'agha, non pas par respect pour le burnous qu'il portait mais parce qu'il était un peu derviche sur les bords, et presque aussi pauvre qu'eux.
Quelques-uns demandaient sa bénédiction, d'autres sa baraka.
L'agha Benaouda, c'est son nom, mourra dans l'intimité et sera inhumé par les siens sans tambour ni trompette, comme un bon musulman.
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Posté Le : 15/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdenour Fayçal
Source : www.infosoir.com