Une ville, une histoire Le taureau

Choc - Il était 15 heures environ quand deux jeunes femmes âgées d'une quarantaine d'années poussèrent un tel hurlement de terreur dans la salle commune qu'il glaça toutes les autres.
Lorsque le bachaga Mahieddine construisit le premier bain maure du Sersou, ce fut littéralement la fête au village en cette année 1948.
Une demi-douzaine d'agneaux fut égorgée, du couscous fut roulé et toutes les dames du hameau furent conviées pour pousser des youyous contre une petite obole offerte par le richissime notable.
Quelques mois plus tard, des chipies connues pour leurs mauvaises langues et leur méchanceté à répandre n'importe quel ragot sur n'importe qui, firent courir le bruit que le nouveau bain maure était hanté, «meskoun» comme on disait à l'époque.
Les unes prétendaient avoir aperçu des ombres étranges dans la grande salle d'eau, les autres affirmaient avoir entendu des bruits bizarres qui ressemblaient à ceux du sanglier qu'on pourchassait, il y en a même une qui soutiendra avoir croisé... un taureau...
Médisance ou mauvaise publicité, la campagne menée contre le bain du bachaga fera un flop d'autant que les folles qui diffusaient ces rumeurs étaient connues dans le landernau et donc personne ne les prenait au sérieux.
Jusqu'à cet après midi de printemps 1950.
Il était 15 heures environ quand deux jeunes femmes âgées d'une quarantaine d'années poussèrent un tel hurlement de terreur dans la salle commune qu'il glaça toutes les autres.
La première réaction, la réaction instinctive est que toutes se précipitèrent vers la porte de sortie dans une effroyable confusion.
Quelques-unes perdirent connaissance, d'autres avaient les lèvres sèches et bleues de peur.
La gérante mettra plusieurs minutes à rétablir le calme et à diriger ses clientes vers l'immense vestibule qui leur était destiné.
Pressée de questions par les nouvelles arrivantes qui n'étaient pas au courant de ce qui se passait, une femme réussit enfin à se contrôler et à indiquer l'origine de sa frayeur, elle aurait vu un taureau dans la petite salle de sudation réservée en général aux jeunes mariées.
Ces propos seront soutenus par les autres femmes qui restent unanimes : elles ont bel et bien aperçu un taureau.
L'auteur qui raconte cette histoire et qui n'avait à l'époque que 8 ans, le confirme à son tour. Il a vu le monstre ou le djinn comme vous voulez, pendant au moins 10 secondes.