Une ville, une histoire

Corvée - Le hadri était donc obligé d'emprunter les pistes les plus inaccessibles et les chemins les plus tortueux pour arriver à bon port.
C'est un métier qui a complètement disparu, celui que l'on appelait hadri dans les campagnes du sud du pays, dans les années 50.
Comme son nom l'indique le mot tient sa racine de hadara qui signifie, selon l'usage qu'on en fait, aussi bien civilisation que raffinement. Chaque village ou chaque petite agglomération des Hauts-Plateaux avait donc son hadri, c'est-à-dire son commerçant.
Mais un commerçant particulier et même tout à fait spécial puisqu'il n'avait ni magasin, ni balance, ni comptoir ni même un tiroir caisse.
Sa marchandise il la chargeait sur un mulet et il devait sillonner tout l'arrière-pays pour aller à la recherche de ses clients.
Des fellahs dans la plupart des cas, des paysans isolés dans les montagnes, des saisonniers qui travaillaient aux bords des oueds ou dans des haouchs au fond des vallées.
Le hadri était donc obligé d'emprunter les pistes les plus inaccessibles et les chemins les plus tortueux pour arriver à bon port.
Et lorsqu'il chute quelque part, loin du monde bruyant des foules c'était toujours la fête sous la kheïma ou au douar.
L'habitant était au petit soin aussi bien pour lui que pour sa bête.
C'est après s'être copieusement rassasié et rafraîchi que le hadri ouvrira, au milieu des curieux, les sacs qu'il transportait.
il y avait de tout, en tout cas tout ce qui pouvait manquer chez ses hommes rudes des montagnes : du café, du sucre, du tabac, des cigarettes, du parfum, des bonbons des peignes, des espadrilles et même du rouge à lèvres et du tissu pour les femmes.
Mais le hadri avait encore une autre mission, celle de facteur itinérant.
Il remettait à leurs destinataires, paquets, argent et enveloppes et parfois même des pièces détachées pour tracteurs quand les routes en hiver étaient impraticables.
Il ne manquait pas de donner aussi des nouvelles de la ville ou du village environnant. Pendant la Révolution, le hadri aura, bien sûr, une autre mission, bien plus stratégique.