Une ville, une histoire

Notoriété - Cheikh Sari était un maestro dans son domaine, celui de l'andalou et il ne se passait pas une soirée nuptiale sans qu'on l'invite pour animer des fêtes.
Et la fête se prolongeait parfois très tard dans la nuit tant le maître était réclamé par les convives.
C'est grâce à sa guitare et au magnifique patrimoine de mélodies anciennes que cheikh Sari vivait. Il en avait fait son métier et il ne se privait pas de l'apprendre aux jeunes talents qui montaient.
Nous sommes ans la vieille ville de Tlemcen et les gens, en cette année de 1950 vivaient comme le reste des Algériens, c'est-à-dire misérablement.
De petits commerces en général et de métiers à tisser.
L'art du cuir, du cuivre et surtout la broderie était parfaitement maîtrisé dans les petites échoppes et dans les foyers discrets des Casbahs.
Bref, Sari, qui avait des difficultés à joindre les deux bouts, faisait le plein en été quand il chantait dans les noces, un peu comme la cigale et se terrait chez elle en hiver comme la fourmi.
Bien sûr, il y avait quelques circoncisions à droite et à gauche mais ce n'était pas systématique.
Pendant la morne saison, le cheikh avait pris l'habitude de pendre sa guitare au mur, tout près des bouquets d'oignons que son épouse faisait sécher.
Et puis, un jour, à sa grande surprise, il reçoit une lettre officielle des autorités l'invitant à se produire à Pars à l'occasion d'une exposition qui devait montrer au français toutes les cultures de leur empire colonial.
C'est au grand Palais où son orchestre devait se produire que le cheikh aura ce trait de génie :
Il se lèvera, face à la tribune et égrènera les premières notes de l'hymne national français, la Marseillaise.
Et c'est ainsi qu'une guitare qui puait l'oignon fera lever le président Vincent Auriol qui se figera dans un impeccable garde à vous.