Algérie

Une ville, une histoire Zohra



Une ville, une histoire                                Zohra
Mariage - C'était une loterie. Et le mauvais numéro de cette union était qu'on n'ait pas d'enfant. Des mâles surtout.
Dans les années 20, au début du siècle der-nier, la majeure partie du peuple algérien était pauvre et vivait chichement.
La condition d'indigène ne permettait, en effet, aucune perspective d'ascension. Le plaisir et le confort d'une période que les Français appelaient eux-mêmes la belle époque, étaient, bien sûr, destinés aux colons.
Le mariage dans le milieu algérien en ce temps-là était une chose très sérieuse qu'on préparait pendant des années. D'abord parce qu'il coûtait cher et ensuite parce qu'il pouvait déboucher sur une impasse. C'était une loterie. Et le mauvais numéro de cette union était qu'on n'ait pas d'enfant. Des mâles surtout. Autant les garçons étaient considérés comme une bénédiction, une richesse dans la mesure où ils seraient plus tard des bras valides, autant les filles étaient considérées comme des bouches inutiles à nourrir. Mariée à un cousin éloigné dans un village de la côte, Zohra sera stérile toute sa vie, et pendant toute sa vie elle en souffrira.
Malgré les herbes, les remèdes de grand-mère et la visite de nombreux marabouts, elle n'enfantera jamais. Pressé par toute sa famille de divorcer et d'épouser une autre femme qui lui donnerait des enfants, son mari refusera toujours de franchir le pas.
Ne pouvant chérir et dorloter l'enfant qu'elle n'avait pas, Zohra se mettra alors à aimer tous les enfants du quartier. Au point que sa maison était devenue une véritable nurserie. Quand elles voulaient s'absenter pour faire une course, c'est à elle que les voisines confiaient leurs petits. Zohra, par sa gentillesse, était devenue pratiquement une institution et les enfants le lui rendaient bien. Et lorsqu'elle mourra en 1960, tout le village la pleurera. Signe du destin, elle sera enterrée dans un carré de petites tombes fraîchement creusées, au pied d'un chêne comme pour surveiller les petits disparus.


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