Algérie

Une vie tumultueuse et pleine de souffrances



Chanteur kabyle engagé, Matoub Lounès aurait eu, aujourd'hui, 63 ans mais son destin fut qu'il soit arraché brutalement à la vie. Elle fut plutôt une succession de souffrances. Né un certain 24 janvier 1956 au village Taourirt Moussa, dans la commune d'Aït Mahmoud, collectivité relevant de la daïra de Béni Douala, cet homme qui a fini par bouleverser son époque avait commencé par "plaquer" l'école publique en raison de la politique d'arabisation. C'est chez les Pères blancs qu'il trouva refuge. Certes, c'est son côté artistique qui a fait de lui, aujourd'hui, l'un des chanteurs les plus préférés des mélomanes algériens, mais sa personnalité et son engagement ont également beaucoup contribué à sa notoriété. Toutefois, des dates de l'histoire ont marqué sa vie. "La guerre dite des wilayas", en 1963/ 1964, avec la confrontation sanglante entre Kabyles et forces gouvernementales, la politique d'arabisation entamée en 1968, mais surtout, son ordre d'appel au service national, en 1975, durant deux années, il fut confronté, dans la caserne, à un racisme révoltant. En réponse à la négation de la mémoire, Matoub trouve son "refuge" dans la chanson et la poésie. C'est en France, en 1978, qu'il découvre que chanter pouvait devenir une arme de contestation redoutable, aidé en cela par Idir, "un modèle", "une référence", dira-t-il de lui. Il s'engage dans la grande aventure.À l'époque, l'esprit de contestation devenait de plus en plus important. La population algérienne prenait profondément conscience du verrouillage des libertés. Des dates mémorables constituent, aujourd'hui, un véritable film de sa vie. Lorsqu'éclate le Printemps berbère du mois d'avril 1980, il se trouvait en France. Il enrageait d'être loin de sa Kabylie. En signe de solidarité, c'est en tenue de combat qu'il entra en scène, à l'Olympia où il était programmé. De retour au pays, il continua son combat par la chanson et participa à de nombreuses manifestations anti- pouvoir. Le 9 octobre 1988, il reçut cinq balles de Kalachnikov dans le corps. Il endurera six mois de souffrance sur un lit d'hôpital. En dix-huit mois, il subira quatorze interventions chirurgicales et des soins intensifs. Ce n'est pas fini pour lui, puisque juste après la guérison, suite à une querelle de voisinage, dans son village, on lui plantera un couteau dans le dos. Evacué en France, il échappera, miraculeusement, à la mort. Mais il est dit que la vie tumultueuse de l'artiste était loin de tirer à sa fin puisque le 25 septembre 1994, un commando d'une vingtaine d'homme armés l'enlèvera et il sera pendant quinze jours, tenu en otage.
La mobilisation citoyenne pour sa libération permettra sa libération au grand bonheur de toute la région. Pour récompenser son combat, Matoub Lounès sera honoré en France, le 6 décembre 1994, à la Sorbonne. Mme Danièle Mitterrand lui remettra le Prix de la mémoire. Ce prix vise à "dénoncer et à combattre toute falsification de l'histoire consécutive à l'oubli, volontaire ou pas, conscient ou non". Il honore "tout acte de mémoire qui engage l'homme pour que sa mémoire soit à l'origine de toutes les libertés et de tous les devoirs". Enfin, le prix salue l'engagement du poète et, à travers lui, la mémoire amazighe et algérienne dans sa diversité et sa richesse. Au printemps de l'année 1997, Matoub rencontre Nadia, alors qu'elle était étudiante en littérature française à l'université de Tizi Ouzou.
Ils se marieront, en octobre de la même année. Ils ne vivront ensemble que pendant huit mois puisque leur vie sera brisée un certain 25 juin 1998, sur la route de Beni Douala, au lieudit "Tala Bouinane". Il sera assassiné, criblé de balles tirées par un commando lourdement armé, dans sa Mercedes, sous les yeux de sa femme et deux de ses belles-s?urs assises derrière. 21 ans après son assassinat, toute la famille, épouse, mère et s?ur, est restée meurtrie et marquée à vie et la vérité sur sa mort demeure toujours inconnue. Réclamée. Matoub n'a même pas eu droit à un procès.

KAMEL NATH OUKACI


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