Algérie

Une vie dédiée à la passion du théâtre


Le comédien disparu Sirat Boumediene, géant de l'humour noir, demeure dans le coeur des Algériens, autant que ses oeuvres théâtrales, télévisuelles et cinématographiques, comme star de premier rang dans l'histoire de l'art algérien, 27 ans après sa mort, s'accordent à dire des hommes de culture ayant côtoyé le défunt artiste. De Djelloul Lefhaïmi qui court pour exorciser ses craintes et crier son indignation, à Chaâïb Lakhdim qui pose un miroir sans complaisance face à sa société, Sirat Boumediene, comédien de génie, aura brillé à l'écran et sur les planches durant une courte et éclatante carrière qu'il aura partagée avec son public et les plus grandes figures du théâtre algérien. Parti trop tôt en 1995 alors qu'il n'avait que 48 ans, Sirat Boumediene avait voué sa vie entière à la scène et à l'actorat exprimant, sur les planches et à l'écran, son besoin viscéral de multiplier les interprétations et de créer sans cesse de nouveaux personnages pour analyser sa société dans un habillage comique avec d'autres grandes figures du 4e art algérien. Né en 1947 à Oran, il avait débuté comme agent administratif du Théâtre régional de sa ville, avant que le grand dramaturge Ould Abderrahmane Kaki ne lui mette le pied à l'étrier en 1966 en le distribuant dans la célèbre pièce de théâtre «El Guerrab Wessalhine» grâce à laquelle une brillante carrière a débuté et une nouvelle étoile est apparue sur les planches.Une brillante carrière
Un autre fils prodige de la ville d'Oran va également sceller une longue collaboration avec ce comédien d'exception, Abdelkader Alloula va lui confier des rôles dans «El Algue», «El Khobza», «Hammam Rabbi», «Litham», «Toufah», «El Meida» ou encore la célèbre «Ladjoued», une pièce qui va le mener, en 1986, aux Journées du théâtre de Carthage en Tunisie où il rafle le prix du meilleur comédien au célébré acteur égyptien Abdallah Gheïth. Cette collaboration avec cette figure du théâtre de la Halqa va se poursuivre quand en 1990 Sirat Boumediene va rejoindre la coopérative «1er Mai» créée par Abdelkader Alloula. Avec la création de nombreuses coopératives de théâtres Sirat Boumediene va également rejoindre en 1992 le fameux «Théâtre de la Qalâa» qui comptait des praticiens de renom comme les regrettés Sonia (1953-2018), Sakina Mekkiou de son vrai nom, Azzeddine Medjoubi (1945-1995) ou encore Mhammed Benguettaf (1939-2014). A la même époque il entre dans les foyers des algériens avec la série «Aâyech Bel Haf» et son succès connu de tous «Châaïb Lekhdim» où il crée et interprète de très nombreux personnage pour montrer à la société ses propres tares et en analyser les phénomènes et l'évolution. Au cinéma, le prodige avait fait sa première apparition sur les écrans en 1975, aux côtés des fameux Yahia Benmabrouk (1929-2004) et Hadj Abderrahmane (1940-1981)dans «L'inspecteur Tahar marque un but», avant d'être distribué dans des oeuvres comme «Sous les cendres» de Abdelkarim Baba Aïssa ou encore «Hassan Nya» réalisé par Ghaouti Ben Deddouche à la fin des années 1980 avec le grand Rouiched à l'affiche.
Montrer à la société ses propres tares
Il va également collaborer avec Belkacem Hadjadj dans Le voisin» et malgré la maladie participer à un dernier film, «Le portrait», en 1994 avec, entre autres Fatiha Berber (1945-2015) et Omar Guendouz (1950-2021) sous la direction de Hadj Rahim (1934-2017). Jusqu'à ses derniers jours, rongé par la maladie, Sirat Boumediene continuait de rendre hommage à son acolyte Abdelkader Alloula, assassiné en mars 1994 par la main de la violence terroriste, il avait rejoué de nombreuses fois ses oeuvres sur les planches, avant de succomber à son mal le 20 août 1995. La réussite à la télévision et au cinéma, notamment dans les deux séries «Ayech Belhef» et «Chaib El Khedim» lui a valu une grande popularité. Ces deux oeuvres constituent des chefs-d'oeuvre ancrés dans la mémoire artistique des amateurs du petit et grand écran de la génération des années 90 du siècle dernier. Dans ce sens, le réalisateur de télévision Mohamed Houidek, qui a réalisé «Ayech Belhef» produit par la station de télévision d'Oran en 1992, a affirmé que ces séries avaient acquis une grande popularité grâce au talent de Sirat Boumediene, connu pour son humour, sa créativité et sa capacité à camper les rôles de plusieurs personnages dans une seule oeuvre et à se déplacer librement et sans difficulté devant la caméra. «C'était intéressant de travailler avec Sirat Boumediene, qui a donné sa touche personnelle à l'oeuvre», a déclaré le même réalisateur, soulignant que l'Algérie a donné naissance à deux génies dans l'interprétation de plusieurs personnages sur une même scène, à savoir Hassan El Hassani dit «Boubagra» et Sirat Boumediene. Estimant qu'il est rare de trouver des acteurs pareils, il plaide pour une exposition des oeuvres de Sirat et d'un débat au profit des jeunes générations. L'actrice Malika Youssef, qui a travaillé avec Sirat dans cette série, confie qu'il était un artiste irremplaçable et un phénomène artistique hors-pair.
Un phénomène irremplaçable
«Il représentait un cas particulier dans le monde de la comédie et fut un acteur extraordinaire qui comprend rapidement le texte et ses dimensions et étudie en profondeur le personnage qu'il interprète. J'ai vraiment beaucoup profité de sa prestation et de ses conseils», s'est-elle exprimée. L'expérience de Sirat à la télévision a été aussi couronnée de succès dans l'oeuvre «Chaib El Khedim» du réalisateur Zakaria qui traitait, dans un style humoristique et instructive, un phénomène de société. Il trouva alors que l'image a plus d'impact que toute autre expression artistique, surtout qu' il n'avait rien d'artificiel, a estimé le critique cinématographique Aissa Ras El Ma. «L'artiste défunt utilisait le silence artistique dans certaines séquences télévisuelles et cinématographiques. En interprétant un rôle, il se taisait plus qu'il parlait et refusait le scénario où il y avait trop de dialogue le considérant comme du remplissage et supprimait beaucoup dans le dialogue, ce qui lui a valu de voler la vedette dans plusieurs oeuvres», a ajouté le même critique. Sirat Boumediene a joué dans d'autres oeuvres cinématographiques dont «Les cendres» de Abdelkrim Baba Aissa, «Hassan Niya» de Ghaouti Bendeddouche et «L'image» de Hadj Rahim, dernière oeuvre de l'acteur qui a gagné l'admiration du public. A noter que l'Association Culturelle «El Amel» d'Oran organise, depuis fin juillet dernier, un mois en l'honneur du regretté grand homme de théâtre, Sirat Boumediene. Cette initiative propose au public des représentations du genre «Stand up» chaque samedi à Oran au «Théâtre de Poche» relevant de cette association. Cette manifestation, qui s' est étalé jusqu'à ce 20 août sous le slogan «Sirat Boumediene est de retour ce mois-ci», constitue une occasion de découvrir de nouveaux talents pour enrichir le mouvement théâtral à Oran sur les pas des géants du théâtre algérien, a souligné le président d'association, le dramaturge Mohamed Mihoubi.
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