Juan Goytisolo, le grand écrivain espagnol, vient de décliner le prix littéraire international institué par le président libyen Kadhafi pour récompenser un auteur connu pour son combat pour les droits de l'homme. En plus clair, Goytisolo a dit tout simplement, au travers de ce rejet, que la Libye est loin d'être un pays où les droits de l'homme sont vraiment respectés. Cependant, faut-il incriminer la bonne foi de Goytisolo pour n'avoir pas fait le premier pas afin de cautionner le geste de Kadhafi, ou ce dernier lui-même, militariste à outrance, écrivain à l'occasion et, provisoirement mécène, pour avoir songé tout d'abord à décerner son prix à une personnalité littéraire occidentale 'D'un certain côté, Goytisolo lui-même est à plaindre, lui qui n'a jamais pipé mot sur la situation des droits de l'homme au Maroc où il vit depuis plusieurs années. En vérité, ce pays n'est pas plus solvable politiquement qu'un autre pays du monde arabe.En outre, il y a lieu de regarder en direction de ceux qui sont derrière le jury de ce prix, en l'occurrence, le romancier libyen, Ibrahim El-Kouni, auteur de plusieurs romans touchant à la vie dans le désert, principalement, chez les touareg. El-Kouni, qui est traduit aujourd'hui dans les langues occidentales, a, peut-être, voulu, en reconnaissance de dette, se rapprocher davantage du maître de Libye. Il a été, on le sait, très malade ces dernières années et a bénéficié d'une certaine attention de la part de Kadhafi qui a fait de lui un écrivain résidant en Suisse.Que soit ouverte maintenant une autre parenthèse au sujet de ce prix dont il a été surtout fait mention dans une certaine presse du monde occidental : pourquoi, au sein du jury, n'a-t-on pas pensé à apporter plus de scrupules quant au choix du lauréat ' Pourquoi n'a-t-on pas songé avant tout à un écrivain du monde arabe 'Si l'on exceptait le prix littéraire du Cheikh Zayed, décerné à un écrivain du monde arabe, les autres récompenses littéraires ne s'éloigneraient pas de celle que vient d'instituer Kadhafi. Elles sont, ou bien à coloration politique, ou elles suintent le chauvinisme et ne cessent, de ce fait, de libérer leurs exhalaisons néfastes au point d'empoisonner pour de vrai la vie de l'esprit sur toute l'étendue du monde arabe. La preuve en est que le romancier égyptien Sonnallah Ibrahim avait refusé, il y a quelque temps, un prix littéraire, dérisoire sur le plan pécuniaire, qui lui fut décerné dans son pays, et accepté, par contre, un autre beaucoup plus important financièrement dans un pays du Golfe. Cet écrivain, gauchiste, pour ne pas dire gauche, avait dit, publiquement, ne pas vouloir fumer des cigarettes américaines, mais n'a pas hésité un seul instant à mettre dans sa poche le billet vert. Faut-il citer encore le grand prix du roman arabe décerné annuellement par l'union des écrivains égyptiens ' Et bien, il vient d'être attribué au nouveau ministre marocain de la culture, Bensalem Hamiche, grand romancier sans aucun doute, mais on ne peut s'empêcher de penser que le jury égyptien a surtout fait des calculs de bas étage. En bref, si Kadhafi a tenté de redorer son blason après tant de défaites politiques cuisantes, aussi bien en Afrique que dans le monde, le pétrodollar ne fait pas tout, et cela vient d'être prouvé par le rejet du prix par Juan Goytisolo.
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Posté Le : 16/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Merzac Bagtache
Source : www.elwatan.com