Algérie

"Une université virtuelle pour apprentis terroristes"



Projeté au 14e Festival international du film oriental de Genève, ce docu télé revient sur la découverte en 2016 de l'ordinateur de l'émir de Syrte, comportant des milliers de fichiers confidentiels sur l'EI.Après Femmes et enfants esclaves : dans l'enfer de Daesh, le reporter de guerre et spécialiste du Moyen-Orient Kamal Redouani revient avec un nouveau docu intitulé Daesh, dans le cerveau du monstre. Projeté dans la soirée de vendredi à la salle Langlois-Grütli (maison des arts du Grütli de Genève), dans le cadre du 14e Festival international du film oriental de Genève (Fifog), ce film de 71 minutes, sorti en 2018, nous plonge au c?ur de l'Etat islamique ; son organisation, sa structuration et son fonctionnement. Tout a commencé en 2016 lors de la chute de Syrte (Libye). Dans les décombres, un combattant découvre un ordinateur et un téléphone portable qu'il remet au documentariste. En ouvrant les fichiers, Kamal Redouani tombe sur un "trésor" car il contient tous les dossiers, vidéos, documents, photos, confidentiels? de Daesh. Durant une année, le reporter travaille minutieusement sur ce "butin de guerre", il analyse et dissèque au scalpel chaque détail et élément de cette trouvaille appartenant à l'émir de Syrte. Cette découverte édifiante lève le voile sur cette organisation dont l'administration gère ses troupes avec perfection et grande intelligence, ses diverses structures, notamment militaire, policière, religieuse, économique ou encore juridique. Suite à cela, Redouani a tenté de le raconter à travers ce film en s'appuyant, entre autres, sur des témoignages inédits de combattants, agents de renseignements et même d'un ancien émir réfugié à Istanbul (Turquie). Face à la caméra, le réalisateur livre une sorte de journal intime de ces "monstres" dont la devise "Vos limites sont votre imagination". Sur le côté juridique, les lois sont claires : tout mécréant doit mourir, subir la torture, les pécheurs sont fouettés, spoliés de leurs commerces, logements et terrains. "L'émir récompensait ses hommes en leur offrant des maisons et des femmes." Aussi, les vidéos de propagande (beaucoup n'ont jamais été diffusées par l'EI) servaient comme outil d'entraînement pour les nouveaux djihadistes. Cette immersion dans le "cerveau" de ces terroristes a permis également au journaliste de comprendre leur mode de fonctionnement ; on peut citer par exemple : semer la terreur dans les pays occidentaux pour les atteindre économiquement. "L'attentat raté lors d'un vol aux USA a incité les compagnies aériennes à renforcer la sécurité, et cela a provoqué de grosses pertes financières", a informé l'un des protagonistes du film.
Concernant le téléphone retrouvé, il appartenait à une djihadiste mariée à l'un des hommes de l'émir. Chose stupéfiante, dans les vidéos et photos prises par "Oum Fatma", nous retrouvons une maman et une épouse épanouie s'amusant en bord de mer avec son mari ou célébrant l'anniversaire de son enfant "alors que l'EI interdit ces pratiques de mécréants". Cette femme d'origine égyptienne qui a l'air d'être "normale" ne se contente pas de filmer seulement des moments sympathiques mais appelle au meurtre sans scrupule comme tous ces gamins endoctrinés. En somme, à travers cette découverte, Kamal Redouani démontre que ces fichiers, vidéos et photos sont une véritable "université virtuelle du terrorisme".
"Daesh : un mouvement politique avant tout"
À l'issue de la projection, le reporter de guerre s'est prêté au jeu des questions-réponses avec le public, qui semblait revenir de l'enfer. Au sujet de son obtention de ce disque dur et du téléphone, il a expliqué : "Les autorités libyennes ne savaient pas que j'avais obtenu ces documents. Je sillonne ce pays depuis des années et j'ai créé des liens avec les combattants. D'ailleurs, j'étais sur place au moment de la libération de la maison de l'émir." Pour cette découverte qui est loin d'être banale, il a informé que la décision d'en faire un film a été prise avec France Télévision et la boîte de production Capa, et qu'ils ne devaient pas en parler "pour éviter que le disque dur ne soit retiré par les services de renseignements", tout en précisant qu'avant d'entamer cette démarche "j'ai d'abord vérifié s'il n'y avait pas mentionné un plan d'un quelconque attentat futur dans le monde. Je ne voulais pas mettre en danger des vies humaines". À cet effet, Redouani a "fouillé", "regardé" document par document et pièce par pièce pour que "rien ne m'échappe sur une éventuelle attaque". À propos de la conception et de la vision de l'EI sur le monde, le réalisateur estime que ces djihadistes ont "un discours politique avec ce masque de la religion et de l'islam. Ils ont une manière d'infiltrer les populations et plus facilement les populations arabes. Leur vision politique est une manière de mettre la main sur des territoires et d'imposer leur regard sur ces territoires", a-t-il souligné. Et de poursuivre : "Quand ils avaient un territoire, il y avait une division politique chez l'EI : ceux qui ne voulaient pas en sortir afin de créer un Etat sunnite entre la Syrie et l'Irak. Et un autre groupe qui voulait suivre le chemin d'Al-Qaïda pour commettre des attentats à l'étranger". Enfin, Kamal Redouani a conclu en précisant que "ce sont des êtres humains avec des visions différentes ; une vision un peu folle, absurde et complètement barbare". À noter que cette édition du Fifog qui se tient depuis le 29 avril devait se clôturer dans la soirée d'hier, avec la traditionnelle cérémonie de remise des prix.
H. M.


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