Algérie

Une tournée et des questions



Une offensive diplomatique de grande envergure a été déclenchée par le pouvoir algérien dans l'objectif évident de rassurer les partenaires étrangers au sujet de la crise qui secoue le pays mais aussi de tenter d'arracher le soutien de certaines puissances.Depuis hier, on en sait un peu plus sur le dossier puisque certains responsables des pays ciblés ont parlé, allant plus loin dans leurs déclarations que celles formulées lors de l'éclatement des premières manifestations. Les informations en provenance de Russie ont particulièrement focalisé l'attention et ce, pour plusieurs raisons.
L'annonce du déplacement de Ramtane Lamamra par le ministère russe des Affaires étrangères avait, en effet, suscité des interrogations au sein de l'opinion algérienne et cette dernière n'a pas manqué de l'exprimer via le net accusant le vice-Premier ministre d'être à la recherche d'un soutien international. Jusqu'ici, Moscou s'était contentée d'une déclaration de pure forme et se limitant à un constat neutre de la situation en cours en Algérie, mais une nette évolution a été observée hier.
Moscou veut protéger l'Algérie contre les tentatives de déstabilisation
Sergei Lavrov n'a pas caché son inquiétude de voir surgir des tentatives de déstabilisation du territoire algérien en ces moments de crise. Selon l'agence de presse Reuters, une déclaration dans ce sens aurait d'ailleurs été faite avant sa rencontre avec le vice-Premier ministre algérien. Ses propos ont été développés durant la conférence de presse animée conjointement par les deux ministres.
Pour Lavrov, le «peuple algérien doit décider seul de son sort dans le cadre de la Constitution actuelle et dans le cadre de la légalité internationale» . Il a aussi particulièrement tenu à faire part de l'importance que la Russie attachait au principe de non-ingérence. Une véritable mise en garde contre toute tentative d'interférer dans la crise actuelle a été clairement adressée à la communauté internationale. «L'Algérie est un pays très important au Sahel, nous ne permettrons à quiconque de toucher à sa stabilité», a-t-il ajouté avant d'apporter son soutien à l'initiative du pouvoir algérien d'entamer des réformes et d'ouvrir un dialogue.
Toutes ces déclarations ont été très suivies en Algérie hier. Elles ont aussi suscité certaines interrogations, la principale étant de savoir si la Russie agissait ainsi sur la base d'informations, de réelles appréhensions ou dans le seul but de porter assistance à un régime avec lequel ce pays entretient d'excellentes relations. La communauté russe établie en Algérie a d'ailleurs suivi de très près la conférence de presse de Sergueï Lavrov et certains ont pris l'initiative de contacter Le Soir d'Algérie pour attirer l'attention sur certaines mauvaises interprétations des propos du MAE mais aussi de la mauvaise traduction faite par certains médias étrangers à certains passages de la conférence.
En Algérie, les premières réactions ne se sont pas fait attendre. L'ancien ministre de l'Information, Abdelaziz Rahabi, considère en effet que la déclaration de «Lavrov est aussi inamicale qu'inacceptable. Elle engage davantage l'Algérie dans l'internationalisation de sa crise interne. La Russie pays ami et allié ne doit pas s'ingérer dans nos affaires nationales en soutenant le plan Bouteflika qui représente aujourd'hui la principale source d'instabilité.»
De son côté, Lamamra a préféré rester dans des généralités présentant le pouvoir algérien comme étant ouvert aux réformes et changements demandés par les manifestants. Il a également fait savoir que l'opposition pourra participer à la «gouvernance du pays après la fin de la conférence nationale qui aura lieu dans un proche avenir». Ramtane Lamamra a également fait savoir qu'il était porteur d'une lettre de Bouteflika à Vladimir Poutine.
Un jour avant, l'Italie...
C'est la seconde correspondance qu'adresse ainsi le chef d'Etat algérien à ses homologues étrangers puisqu'une journée auparavant un autre message avait été transmis au Président italien.
A Rome, où il avait demandé à rencontrer le président du Conseil des ministres italiens, Lamamra a annoncé qu'il avait discuté avec Conte de «l'actualité de l'Algérie qui intéresse nos amis italiens». «Ceux qui observent de loin notre réalité ont le sentiment qu'il se développe une situation potentiellement porteuse de risques, a-t-il déclaré avant d'ajouter que l'Algérie, connue pour être exportatrice de paix, de sécurité et de stabilité, rassure ses partenaires internationaux sur le fait que ce moment privilégié de notre histoire est un moment qui se passe en famille».
«Il n'y a pas de préoccupation particulière pour nos partenaires internationaux et en tant qu'Etat et peuple, nous sommes profondément attachés aux principes de non-ingérence dans les affaires internes de notre pays», a-t-il également tenu à indiquer. La tournée de Ramtane Lamamra se poursuivra aujourd'hui en Allemagne.
La Chine aussi
Peu d'informations avaient, en revanche, circulé au sujet du déplacement de Lakhdar Brahimi en Chine, mais le ministère des Affaires étrangères de ce pays a fait connaître sa position hier en réitérant son principe de non-ingérence et en inscrivant la stabilité de l'Algérie dans «l'intérêt fondamental de son peuple et de la paix régionale». Pékin souhaite surtout que l'Algérie «puisse faire avancer son calendrier politique dans le calme».
Il faut dire-enfin, que l'offensive diplomatique lancée par les principaux représentants du pouvoir en crise suscite une grande réprobation en Algérie. Le fait est très perceptible à travers les commentaires des Algériens sur les réseaux sociaux, à travers aussi les slogans des manifestants hostiles à toute forme d'ingérence étrangère mais aussi toute forme de soutien aux responsables décriés.
L'opposition algérienne n'a pas manqué de réagir elle aussi. Lundi, Ali Benflis a qualifié cette offensive comme étant une manière d'internationaliser la crise algérienne.
A. C.


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