Algérie

UNE STRATEGIE POUR REUSSIR A BIEN «VENDRE» UNE REGION Entre l'Oran-attitude et le lobbying naissant



Première initiative sérieuse pour mieux «vendre Oran» et y encourager deseffets d'appels économiques, les assises sur l'investissement local et régionalqui s'ouvrent aujourd'hui, et pour deux jours, rendent tentant un retour surles éternelles questions qui font presque mode intellectuelle dans la région: «quepeut vendre Oran ?», «peut-on y investir sérieusement ?», «est-ce trop tôt outrop tard ?» et «le régionalisme peut-il être une économie après avoir été untabou ?».Pour la vitrine, les «partenaires» de la ville et ses lobbyistes ont faitet vu grand: pour le slogan de la rencontre, il s'agit de faire dans lapromotion sérieuse pour un «Oran métropole méditerranéenne». Pour ce faire, lecatalogue des invités est des plus riche, autour de débats un peu à la mode,style globalisation, concurrence régionale avec les économies des pays «frères»en pleine expansion et interrogations sur les topiques traditionnelles de cegenre de rendez-vous: attractivité, stratégie, découpage territorial et partenariatvirtuel. Le tout habillé, on peut oser l'affirmer, par un discours de mode,dérivé des discours nationaux sur la nouvelle stratégie industrielle del'Algérie, les plans de relance des économies «locales» et les appels à ladébureaucratisation et à la décentralisation administrative. Dans le réel, etoff-record, la «conférence» est peut-être une première réponse à un vieuxdiscours, opérant en catimini, sur l'exclusion régionaliste de l'Oranie, sesfaiblesses de mobilisations patronales, son manque d'initiatives et ses«retards», dont l'étude clinique la plus répandue fait remonter les racines auxpremières années de l'Indépendance. Dans la course aux chiffres, l'Oranie a étédéclassée depuis longtemps par des «capitales» économiques algériennes comme leSétifois ou le centre du pays et les patrons de l'Oranie ne cessent d'y revenircomme une analyse finale. On comprendra alors que derrière le discours soft del'investissement, il y aussi presque un beau ressentiment qui, pour une fois, aabouti à une initiative «rationnelle» sous couvert de la politique générale del'investissement à encourager en Oranie. Le parallèle est presque à tracer avec la série de salons internationauxet des manifestations économiques spécialisés qui vont être organisés sous peuà Sétif. La dot d'Oran pour des épousailles économiques nationales ouméditerranéennes n'est pas maigre pourtant. Le discours ambiant revient souventsur l'inventaire des atouts physiques de la région: un bon niveau«d'accessibilité» avec ports, aéroports et routes, un grand pôle énergétiqueavec la zone d'Arzew, un portefeuille foncier de première importance et desreliquats d'entreprises publiques capables d'intéresser les repreneurspotentiels, etc. Un bon cocktail pour le démarrage de ce «pôle» régional,version politiquement correcte de poser le problème de la régionalisationpositive dont ont rêvé secrètement les patrons de la première générationd'opérateurs privés en Oranie. L'album offre une belle photo de la géographie,mais ne résout en rien le problème de fond, celui de l'histoire. Car l'autrequestion, celle en suspens depuis toujours reste entière: pourquoi l'économierégionale ne démarre pas ici, au point où Oran reste la deuxième ville du paysmais se retrouve loin derrière d'autres centres sur l'échelle des performances? Car derrière le discours rodé que l'on diffuse aux occasions de visites de«partenaires» étrangers et des missionnaires des chambres de commerce de larive d'en face, des pays voisins et lors des foires trop nombreuses, il y al'autre discours permanent qui mêle à la fois une sorte de ressentiment local,une frustration «historique» et des griefs contre la culture centraliste del'Etat depuis toujours. A cela s'ajoute depuis peu le constat courageux d'unefaillite dans les idées et d'un manque à gagner dans les calendriers face àd'autres pôles régionaux du pays qui se sont imposés en silence au fil desdécennies du libéralisme cahoteux. Pour beaucoup des têtes de liste del'économie régionale, on ne peut parler de «pôle régional» sans parler derégionalisme et l'on ne peut parler de régionalisme sans parler de politique ouau moins en faire la critique dure. Au-delà du consensus verbal, et au-delà decette nouvelle formule de l'ouverture de l'Oranie sur un espace méditerranéenpresque abstrait et commode plutôt que sur le reste du pays «conquis» pard'autres, le constat est un peu amer: si l'Oranie en est au statut de terrainconquis pour d'autres lobbys nationaux et ne fonctionne plus que commearrière-boutique pour l'écoulement des marchandises venues d'ailleurs et commeportefeuille pour ceux qui achètent à tour de bras fabriques en faillite,locaux en solde et filières en difficulté, c'est parce que la région a été«vidée», piégée et réduite au constat de l'échec intériorisé. Au tableaus'ajoutent quelques désillusions politiques, fruit d'un bouteflikisme malcompris et d'un manque de relais politiques et administratifs au niveau de lacapitale et des centres de décision et de ventilation des fonds, ainsi que lesrôles des chambres de commerce vidées par leur statut d'annexes administrativessous tutelle d'un ministère, loin de l'indépendance dont jouissent ces chambresailleurs et de leurs marges de manoeuvre. Le procès froid des équipes dedéputés, sénateurs et «responsables» locaux souvent incapables d'aller au-delàde leur accession à «Alger» et de traduire leurs mandats autrement que par desdiscussions de salon et des opérations de peinture, est souvent repris commeexplication du manque d'agressivité de l'Oranie et son manque de visibilitépour attirer les crédits nationaux et les investisseurs étrangers. Plusextrêmes, certains y ajoutent le constat d'une main-d'oeuvre de moins en moinsspécialisée et démobilisée par une sociologie de la démission face à la culturede «l'effort», les erreurs de jugement sur les filières porteuses et la culturede la facilité. «Il ne s'agit pas d'une exclusion régionaliste active maisd'une conséquence de plusieurs facteurs: une administration centraliste dominéepar d'autres relais, un système bancaire lourd, le traumatisme de la fausserelance des années 80 avec le crash des pertes de change et les dettes qui endécoulèrent, le manque de relève, etc.», résumera un opérateur interrogé il y aquelque temps. A l'éternelle question du «que faire ?», l'organisation de ces assisessur l'investissement en Oranie peut constituer une première réponse. Encorefaut-il y espérer un bon diagnostic courageux des raisons du«dés-investissement» en Oranie, une audace qui va au-delà des tabous des craintespoliticiennes, un aveu d'échec assumé et une réflexion qui va au-delà du procèsdes banques et des administrations pour aboutir à un procès «interne» del'incapacité à produire des élites et des représentativités politiques capablesde traduire les attentes de la région. La vocation euro-méditerranéenne oumaghrébine de l'Oranie est certes à promouvoir, mais il faut aussi y associerpeut-être la quête d'une véritable vocation régionale à définir sanscomplaisance pour soi ou pour les «siens» et avec une meilleure explication quecelle de la «victime».


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