L'attaque de Ouagadougou révèle surtout qu'une nouvelle génération de terroristes a pris le relais de la vieille garde décimée ou éclatée.La dernière attaque terroriste contre le siège de l'état-major burkinabais semble viser la réunion du G5 sahel regroupant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Cette autre attaque met à nu une situation sécuritaire précaire malgré l'intervention française dans la région aidée par la coalition des pays alliés de la France et malgré la déconfiture du groupe de Mokhtar Belmokhtar qui aurait été tué par un drone américain en novembre 2016 en Libye.
L'attaque de Ouagadougou révèle surtout qu'une nouvelle génération de terroristes a pris le relais de la vieille garde décimée ou éclatée. Il est utile de noter qu'un vétéran du jihadisme dans le sahel, est revenu ces derniers mois sur la scène régionale. Il s'agit de Ayad Ag Ghali, fondateur du Mnla avant d'en être le transfuge pour créer Ansar Edine qui a terrorisé le Nord Mali et a même failli y créer un émirat islamiste au-delà des frontières sud de l'Algérie. Si la région du Sahel a toujours été une immense zone de non-droit en raison de la faiblesse des Etats nationaux composant cet immense espace, difficilement contrôlable, les intérêts de l'Occident en Afrique subsaharienne et l'interventionnisme des puissances étrangères ont aggravé une situation déjà fragile. A ce titre, l'Otan ne pouvait ignorer les conséquences de la destruction de l'Etat libyen, déjà fragmenté et fortement tribalisé, sous le règne d'El Gueddafii. Le chaos sévissant actuellement en Libye était programmé dans le sillage de ce qui est communément appelé «printemps arabes», pour aggraver l'instabilité et l'insécurité dans toute la région sahélo-saharienne et la République centrafricaine, le Nigeria, l'Egypte, le Soudan... sont en proie à une violence interethnique, interreligieuse sans précédent. Est-ce le fait du hasard ou d'une malédiction que toute la zone comprise entre le Soudan et la Mauritanie soit instable' Cet espace qui s'étend sur 6000 km de la mer Rouge à l'Atlantique recèle des richesses naturelles inestimables et convoitées par au moins trois puissances: les Etats-Unis, la France et la Chine. Depuis au moins le début des années mil neuf cent quatre-vingt-dix, le Sahel, qui était le lieu de prédilection de petits trafiquants de cigarettes, de carburant, de voitures et de haschisch, est devenu, à la faveur des guerres ethniques en Côte d'Ivoire, au Burundi, au Rwanda, en RDC, au Soudan, au Tchad, en Somalie et la guerre en Erythrée, ainsi que des rébellions touarègues au Mali et au Niger, une plaque tournante du trafic d'armes et de drogues fortes.
Les terroristes traqués au Maghreb, notamment en Algérie, trouveront naturellement refuge dans cet espace de non-droit où les populations sont les laissées-pour-compte des politiques des Etats. Pour Mehdi Tajer, un analyste maghrébin, les dangers de cette situation explosive se manifestent par l'éclatement conflictuel engendrant une réaction en chaîne déstabilisant l'ensemble de l'arc sahélien, notre «heartland» (ceinture de sécurité du Sud); la constitution d'un terreau et un sanctuaire pour le terrorisme international; d'une zone grise propice à la multiplication des trafics illégaux: armes, stupéfiants, véhicules, matières premières, enfouissement de déchets nucléaires, etc.; d'un réseau de diffusion et d'infiltration d'un islamisme radical; la source d'une émigration de masse utilisant l'Afrique du Nord comme tremplin (lieu de transit) vers les rivages; le blanchiment d'argent; le détournement des ressources stratégiques (pétrole, gaz, uranium, etc.), objets d'une vive concurrence internationale. Etats-Unis, France, Chine, etc. convoitent les ressources pétrolières de la zone: la récente tentative de déstabilisation du régime tchadien, via le Soudan, transcende de toute évidence les capacités soudanaises et rejoint la stratégie plus imposante à dominante asiatique et vraisemblablement chinoise (jeu de bascule autour de l'enjeu pétrolier). Des thèses défendables, que confirment les intentions et les rôles sur le terrain, présentent la situation dans le Sahel comme résultat logique d'une rude compétition des puissances étrangères dans la région. D'une part, la France, en perte de vitesse et d'influence dans les territoires qui étaient jadis son prolongement géopolitique et géostratégique et, d'autre part, les Etats-Unis, sont décidés à avoir la mainmise sur l'espace sahélo-saharien. La stabilité politique et sécuritaire de cette région ne semble pas arranger les desseins de ces deux puissances auxquelles le géant de l'Extrême-Orient, la Chine, arrache des parts importantes d'un marché d'avenir. En définitive, l'implantation de l'Aqmi dans la région sert les intérêts géostratégiques en jeu et les enlèvements d'Européens ne sont que des dégâts collatéraux à gérer au cas par cas. La France est déjà présente militairement dans la région, et ce, depuis longtemps. Le Tchad constitue à ce titre, pour la France, une base avancée en plus des accords militaires que la France a conclus avec le Niger, le Mali et la Mauritanie. Les Américains ont implanté une base militaire au Mali pas loin de Tombouctou et espèrent toujours pouvoir convaincre les pays de la région pour que l'Africom élise domicile dans le Sahel. A ce propos, l'opposition farouche de l'Algérie s'exprime également par son offensive pour la mise en place d'une force sahélo-saharienne d'intervention et de lutte contre le terrorisme, le banditisme et le crime organisé. L'opération Serval n'a pas mis un terme à la menace terroriste dans le nord du Mali même si elle en a réduit les capacités de nuisance et de mobilité.
Néanmoins, les groupes jihadistes alliés objectivement à tous les groupes de trafiquants dans la région du Sahel, eux-mêmes liés à des lobbies puissants aussi bien au sein d'institutions au Mali, au Niger et en Mauritanie, réussissent à chaque étape à se restructurer, à recruter parmi les franges exclues des sociétés subsahariennes et à capter les individus en quête de terrain d'action après leur échec en Syrie et en Irak notamment. Ainsi, la Libye et les pays du Sahel essentiellement le Mali sont devenus des réceptacles des éléments de Daesh fuyant le Moyen-Orient. La menace persistante et se traduisant par des attentats meurtriers épisodiques contre les convois militaires maliens ou relevant de la mission onusienne, ou ciblant des institutions aussi bien au Mali qu'au Burkina Faso, sont autant d'indices sur l'échec du G5 Sahel puisqu'il n'arrive pas à mettre un terme ni au terrorisme encore moins à ses sources de financement que sont les trafics d'armes, de drogue, de carburants et de cigarettes. N'est-il pas le moment de repenser la stratégie de lutte contre le terrorisme en l'intégrant à une stratégie globale telle que formulée par l'Algérie, afin de faire face, non seulement à la menace du terrorisme, mais aussi en prenant en charge le développement régional intégré et complémentaire, afin de tarir les sources qui alimentent le terrorisme en recrues et en finances et de mettre en place un véritable dispositif qui ciblerait tous les trafiquants qui écument en toute liberté dans cette immense zone sahélo-saharienne.
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Posté Le : 04/03/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelkrim GHEZALI
Source : www.lexpressiondz.com