Algérie

Une soirée devant la télé Sacré - sucré - salé



Véritable reine, elle a fini par trôner dans le salon. Pourtant, telle une armée conquérante, elle ne se contente pas d'une seule victoire. Elle a entamé l'occupation d'autres espaces. C'est d'abord le père qui a exigé sa télévision dans sa chambre. Maintenant, le petit fils est irrité par sa vénérable maman qui, pour rien au monde, ne raterait un épisode de « Nsibti El Azziza » sur Nessma. Il réclame aussi la sienne, même petite, pour pouvoir suivre les Simpson. Sa s'ur va bientôt renâcler. Il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse voir ce qu'elle veut. Les bons résultats scolaires c'est elle, le coup de main dans la cuisine c'est encore elle. Pourquoi alors accaparerait-il la télécommande, s'attardant sur une émission de variétés, ailleurs sur une insupportable émission sur les dinosaures. Elle n'a rien contre ces créatures, avait apprécié, vu et revu « Jurassic Parc ». Mais rater par sa faute « la petite géante » sur Gulli non, là c'est trop. Le grand-père a fini par baisser les bras. Il a l'impression d'être étranger chez lui. Sa maison bruit de la fureur et des folies du monde. Le moindre attentat dans une bourgade poussiéreuse d'Irak, un accident dans une centrale électrique d'une ville lointaine est aussitôt connu et commenté chez lui. Sa vieille, qui se contentait des papotages avec les mémés du voisinage, se découvre maintenant des talents de stratège. Sa dernière lubie ' Obama doit intervenir pour ramener l'ordre entre les partisans de Morsi et les autres. Le vieux se prend parfois à rêver d'une époque bénie où la télévision s'allumait à partir de 16 heures. Maintenant, il se contente de se brancher sur une chaîne, n'écoutant que d'une oreille distraite le bavardage d'invités qui ont dix minutes pour expliquer et refaire le monde. Il a cessé d'acheter le journal où il gommait une ou deux émissions à suivre. Il n'attendait plus celles-ci avec impatience. Est-ce cela l'embarras du choix ' Peut-être, se dit-il, je suis aussi dépassé par l'évolution. N'empêche, il n'arrive pas à oublier le vieux poste. Il s'était endetté, avait dû passer une journée devant le Monoprix pour revenir avec son trophée. Cette télévision n'était pas source de mésentente. Même les voisins y accouraient les jours de grands matchs, durant les soirées de Ramadhan. Elle n'informait pas que sur les malheurs et les perversions passant des attentats à des émissions débiles destinées à décérébrer. « Ignorance, préserve-nous des turpitudes des hommes ». Chaque fois qu'il termine sa prière, il psalmodie cette étrange invocation, le regard allant de l'écran aux siens.


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