Algérie

une société turque dans le collimateur Double concentré de tomate-harissa



une société turque dans le collimateur Double concentré de tomate-harissa
Les velléités de transformer le marché algérien en un véritable «dépotoir alimentaire», certains opérateurs économiques, producteurs ou importateurs, nationaux ou étrangers, ne cessent de les afficher et semblent les assumer pleinement.Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à ce qui est appelé «l'affaire King Food» actuellement en instruction au tribunal d'El Tarf. Pas moins de 8 millions de boîtes de concentré de tomate et de harissa ½, fabriquées dans la clandestinité la plus totale, ont pu être allègrement écoulées sur le marché national, surtout à Annaba et El Tarf. Une partie a quand même pu être saisie par les services de sécurité. Depuis la chaîne de production jusqu'à leur mise à la consommation, le patron de la Sarl King Food, A. Khaled, un jeune Turc, la quarantaine, qui en est l'auteur, avait agi dans l'ombre et en toute impunité.
Visiblement étouffées par des services parallèles, les structures de contrôle et de la répression des fraudes relevant de l'administration locale, ne s'étaient pas rendu compte qu'ils furent, eux-aussi, parmi les milliers de consommateurs ayant eu à manger des pâtes cuisinées à la sauce «tomate Fide» et relevées à la «harissa Fide».
En quoi consiste au juste ce grand scandale alimentaire ' Par une man'uvre savamment orchestrée, King Food a réussi à se faire fabriquer, l'on ne sait toujours pas où, ces millions de boîtes de double concentré de tomate et de harissa estampillées «Fide» qu'il a pu commercialiser sans l'ombre d'une difficulté, et ce, presque une année après avoir plié bagage et quitté définitivement la conserverie de Boutheldja (wilaya d'El Tarf).
A la Coopérative agricole régionale spécialisée en cultures industrielles (CARSCI), dont Lalaymia Lakhdar était propriétaire, la société turque, King Food, était liée par un contrat de prestation de services d'une durée de 5 ans. Les deux parties avaient convenu que l'usine et ses travailleurs seraient mis à la disposition du partenaire turc qui, lui, était chargé d'assurer les approvisionnements en matière première (tomate fraîche), la fourniture de l'emballage ainsi que les ventes du produit final sous la marque «Fide».
Le consommateur otage de réseaux mafieux
«En vertu du contrat conclu avec notre coopérative, l'usine de Boutheldja se limitait au remplissage des boîtes de tomate/harissa pour le compte de King Food. En d'autres termes, nos prédécesseurs lui avaient loué l'usine et mis nos effectifs à sa disposition pour une durée de 5 ans, soit de 2005 à 2010, pour quelque 8 millions de dinars», dénonçait Lazhar Metiri à l'actuel président de CARSCI Lalaymia Lakhdar et ce, à quelques jours de sa mise en détention, dimanche 30 juin dernier, sur décision du juge d'instruction près le tribunal d'El Tarf dans le cadre d'une autre affaire. Et bien que ledit contrat ait pris fin le 31/12/2010 et qu'un nouveau partenaire algérien, à savoir SARL Logiscom Invest, l'aie remplacé à partir du 03/08/2011, King Food n'a pas hésité à inonder le marché de boîtes de tomate et harissa, à l'est du pays surtout, estampillées «Fide», faisant fi de toutes les lois de la République, fait ressortir le rapport du président de CARSCI, daté du 31/12/2011 et adressé aux services du commerce de la wilaya d'Annaba et d'El Tarf. Aussi, «F 15/09/11, E 15/09/14, remplie par CARSCI Boutheldja pour le compte de King Food», peut-on ainsi lire sur l'emballage d'une boîte de harissa ½, au numéro de série 01-16 que nous détenons.
Or, a noté M. Metiri, «pas une seule boîte ''Fide'' n'a été remplie ni n'est sortie de l'usine de Boutheldja depuis le 31/12/2010. Le chiffre 8 millions de boîtes n'est en fait qu'une estimation. La quantité est peut être plus importante, compte tenu des saisies réalisées par les services de sécurité d'El Tarf. Puis, nous nous en sommes rendus compte que bien des mois après et avons aussitôt saisi la justice et les services de sécurité et du commerce».
Ce qui a été confirmé par la sûreté de wilaya d'El Tarf. «Nos services ont effectivement été saisis de cette affaire et nous avons aussitôt procédé à la saisie d'une importante quantité de boîtes de tomate-harissa que la société turque King Food avait frauduleusement fabriquée et mise sur le marché. Notre enquête a établi ces faits et l'affaire est actuellement en justice», nous a déclaré, mardi dernier, un haut responsable au siège de l'institution. Où ont été fabriquées ces millions de boîtes ' D'où provenait le concentré de tomate/harissa mis en boîte ' Qui l'a autorisé à les mettre sur le marché sans l'incontournable certificat de conformité qui n'est délivré qu'après de minutieuses analyses en laboratoire attestant de la bonne qualité des produits à vendre ' Des questions que d'aucuns se posent et auxquelles l'instruction en cours pourrait peut-être apporter des réponses.
C'est dire qu'en dépit des assurances des autorités du pays quant aux dispositifs de contrôle mis en place pour veiller à la conformité des produits, surtout ceux touchant directement ou indirectement à la santé humaine, le constat est là pour les démentir : le consommateur algérien est livré à la cupidité de certains pseudo-opérateurs économiques qui, guidés par le seul souci du bénéfice, s'avèrent de moins en moins regardants sur les conséquences à long terme que leurs produits douteux peuvent générer. Ces conséquences, King Food ne s'en est jamais soucié. Bien avant son départ le 31 décembre 2012 ' constaté par huissier de justice (PV du 06/01/2011) ' de ce qu'il considérait comme étant sa forteresse, le patron de King Food se comportait comme un véritable king. «Durant les cinq ans, ils nous infligeait les pires humiliations. Il avait son harem, les jeunes employées de l'usine qui, sous peine d'être licenciées, étaient contraintes de se soumettre à ses avances.
Le plus grave, au triple concentré de tomate (TCT) qu'il importait de chine pour être étendu en double concentré, il nous imposait des ajouts allant des colorants, betterave, carottes à la purée de pomme de terre en passant par le bicarbonate et le sucre en poudre. Et gare à celui qui ose s'y opposer. Pis, en vidant les fûts de TCT chinois, on tombait souvent sur des os de poulets, des cafards et même des têtes de tortue», ont déclaré un groupe de ses anciens employés à l'usine de Bouthelja, en plus d'autres accusations que nous avons pu entendre dans un enregistrement vidéo.
Aussi, pour graves atteintes à l'environnement, l'usine fut fermée sur décision du wali N° 1595 du 09/11/2010. C'est justement pour tous ces faits graves et bien d'autres, que le nouveau conseil de la CARSCI, officiellement installé en octobre 2009 et reconnu par le ministère de l'Agriculture ' correspondance de la direction des affaires juridiques et organisationnelles N° 731/2009 ', avait répondu par un niet catégorique à la demande de King Food qui sollicitait le renouvellement du contrat, signé en 2005 avec le précédent conseil, avait tenu à souligner M. Metiri.
«Le patron de cette société a tout fait pour arriver à ses fins allant jusqu'à tenter de nous soudoyer en nous proposant de l'argent, un logement ou une voiture de luxe en contrepartie du renouvellement du contrat. Devant notre obstination, il a opté pour les intimidations, nous menaçant de lourdes représailles, de par les protections et les solides appuis dont il disait jouir à Alger», ajoutait notre interlocuteur.
Evasion fiscale, violation du code du travail, fraude sur la qualité'
Et, outre les milliards de dinars brassés pendant 5 longues années, l'ex-partenaire turc a légué aux nouveaux gestionnaires de CARSCI et ses 1002 adhérents une situation des plus désastreuses : plus de 6,5 millions de dinars de dettes sociales (CNAS) et une ardoise fiscale s'élevant à près de 150 millions de dinars, entre TVA, IBS, TAP, IRG/S, pour lesquelles King Food n'a jamais été inquiété, s'indignent les adhérents et leur désormais président-prévenu, Lazhar Metiri. Ce qui a valu à l'usine de Boutheldja la saisie, depuis le 04 juin 2013, par le fisc de la wilaya d'EL Tarf, des équipements et installations de base, indique Ahlem Khelil, responsable des ressources humaines de CARSCI.
«La saison a démarré en ce début de juillet et nos trois usines sont à l'arrêt. Celle de Bouthelja, dotée de capacités de transformation de 42 t/h est en bon état, mais tout le monde est au chômage : en plus des agriculteurs adhérents et non adhérents qui assuraient la fourniture de tomates fraîches, il y a la centaine de travailleurs de l'usine, pères de famille qui ne savent plus quoi faire ni à quel saint se vouer à la veille du mois sacré de Ramadhan», déplorent, non sans une pointe d'amertume, les agriculteurs.
Pour nombre d'observateurs, la démarche de l'administration fiscale est curieuse et suscite des interrogations. En cause : dans les dispositions de l'article 5 du contrat CARSCI-King Food, dont nous détenons une copie, il est clairement stipulé que : «La commercialisation du produit ainsi que l'ensemble des taxes prévues par la loi et qui concernent la production/ vente sont à la charge de King Food, le propriétaire exclusif de la matière première, du produit final ainsi que de l'emballage.»
La maintenance est, par ailleurs, un autre engagement (article 6) auquel aurait failli l'ex-partenaire turc. «Grâce à des complicités qu'il a pu trouver auprès de l'ancienne équipe dirigeante, il a purement et simplement désossé les deux autres usines, Annaba et Ben M'Hidi (El Tarf) ' des capacités de transformation respectives de 28 t/h et 14 t /h ', également à l'arrêt, pour s'approvisionner en pièces de rechange.
Les deux unités appartiennent, elles aussi, à CARSCI», ont fait savoir des porte-parole des 180 travailleurs de cette dernière, auxquels il faut ajouter les quelque 300 saisonniers, tous dans la précarité la plus totale, n'ayant pas perçu un centime voilà plus de 9 mois. Evasion fiscale, violation du code de travail, fraude sur la qualité, production/vente de produit dans la clandestinité' Cette situation n'émeut, visiblement, personne, même pas la présidence de la République, pourtant saisie pour ces faits et d'autres plus graves encore, d'après les travailleurs de CARSCI.
S'attaquer à King Food reviendrait-il à s'attaquer à la grosse machine ' Sinon comment peut s'expliquer l'impunité dont il a pu bénéficier jusque-là. Et si l'ex-plus riche coopérative agricole du pays, voire à l'échelle continentale (des biens immobiliers innombrables en Algérie, en France et même en Suisse) est en pleine déconfiture, c'est également du fait de plusieurs autres raisons et enjeux de taille que le désormais président-prévenu n'a eu de cesse de dénoncer à qui veut l'entendre (ministère de la Justice, présidence de la République, ministère de l'Agriculture')
Ses collaborateurs et des centaines d'agriculteurs membres de CARSCI, sont formels : «Notre président est victime d'une machination machiavéliquement orchestrée à son encontre par ses adversaires de l'ancien conseil de Carsci, car il a osé s'attaquer au puissant homme d'affaires turc et à tous ceux qui veulent par tous les moyens s'emparer des biens immenses de notre
coopérative.»


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