Algérie

Une situation préoccupante



Le constat est unanime : jamais la situation des droits de l'Homme en Algérie n'a été aussi préoccupante. À la situation épidémique avec ses conséquences désastreuses sur les ménages s'est ajouté un raidissement du pouvoir et de multiples entraves aux libertés. Réunis à Béjaïa, de nombreux acteurs ont dénoncé le climat de fermeture et de répression qui s'abat sur les activistes et les atteintes aux droits de l'Homme.Pour son grand rendez-vous annuel, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh) a réussi son pari : organiser dans son minuscule centre de documentation sur les droits de l'Homme (CDDH), à Béjaïa, le 10e Forum des droits humains à l'occasion de la célébration de la Journée internationale sur les droits de l'Homme qui coïncide avec le 73e anniversaire de la déclaration universelle de 1948. Première à intervenir via zoom, Hassina Oussedik, présidente d'Amnesty International Algérie.
Qualifiant "la situation des droits humains cette année 2021 d'extrêmement préoccupante", accentuée, selon elle, "par les conséquences de la pandémie", Hassina Oussedik a, cependant, salué "la mobilisation et l'engagement de la société civile et des simples citoyens", malgré "les intimidations, les pressions, les arrestations arbitraires" suivies, la plupart du temps, par des "peines d'emprisonnement", et ce, par le truchement des nouveaux articles du code pénal, "formulés de manière vague et ambiguë". Elle s'insurge dans ce contexte contre les violences faites aux femmes, que ce soit à la maison ou dans la rue. "En 2021, on a enregistré 54 féminicides, soit le même nombre qu'en 2021", relève-t-elle, déplorant le "silence total des autorités sur les violences et l'assassinat des femmes". Elle regrette également l'absence de "campagne de sensibilisation en vue de faire connaître la législation aux femmes pour lutter contre ces violences", malgré l'amélioration de la loi.
Pour Hocine Boumedjane, modérateur de cette rencontre en présentiel et par zoom, tous les voyants sont au rouge. "On assiste aux violations de toutes les libertés", dit-il, estimant que "cette répression féroce qui s'abat sur la société est vouée à l'échec". Vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, pour sa part, n'a pas caché son sentiment de "tristesse" dans lequel intervient, à ses yeux, la célébration de la Journée internationale des droits humains. "Nous en sommes encore à réclamer les droits de l'Homme de la première génération, à savoir les droits civils et politiques (droits qui ont fait leur première apparition 'théorique' aux 17e et 18e siècles)", ironise-t-il "alors qu'ailleurs, on réclame les droits de l'Homme de la 2e et 3e générations, qui sont respectivement les droits économiques, sociaux et culturels et les droits de solidarité".
Depuis Oran, Kadour Chouicha, défenseur des droits humains et professeur d'université et président de la Ligue d'Oran, estime, de son côté, que la "période est très difficile", non sans afficher son optimisme. "Il y a eu l'avant-22 Février et l'après-22 Février. Et à ce titre, il y a eu une avancée considérable. Il y a eu un changement radical au sein de la société. Le pouvoir a été acculé et mis devant ses responsabilités", soutient-il. Militant politique et ancien président du RAJ (dissous), Abdelouahab Fersaoui a appelé, quant à lui, à la mise en place d'un Observatoire des droits de l'Homme.
Et pour être efficace en cette période difficile, il a appelé toutes les forces politiques et sociales à établir leurs bilans respectifs et, dans la foulée, à "créer des ponts" pour construire le changement dans la "diversité". S'agissant des détenus qui croupissent encore dans les geôles, à l'instar des journalistes Mohamed Mouloudj, Hassen Bouras ou du coordonnateur du MDS, Fethi Ghares, etc., il estime que cela relève de la "responsabilité de tout le monde".
Pour Me Salem Khatri, avocat et ancien bâtonnier de Béjaïa, "l'Algérie est en porte-à-faux avec toutes les chartes qui protègent les citoyens". "On ne peut pas parler de danger extérieur pour réprimer à l'intérieur", dénonce-t-il. "Si la répression était la solution, la France ne serait jamais sortie d'ici. Après la répression du 8 Mai 1945, il y a eu le 1er Novembre 1954. La flamme de la révolution pacifique ne va pas s'éteindre."

M. OUYOUGOUTE


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